Une semaine après le début du mois de Ramadhan, la salle des urgences médicales du CHU de Béni Messous est complètement encombrée. L'équipe médicale ne sait plus où donner de la tête. Comme chaque Ramadhan, ces structures sont prises d'assaut par toutes sortes de malades qui y affluent en grand nombre. Généralement, un simple petit «bobo» et on se retrouve aux urgences. Les nutritionnistes ont beau plaider pour une alimentation saine et équilibrée durant ce mois béni, les médecins ont beau donnér des conseils aux malades chroniques et spécialement les diabétiques sous insuline pour prendre des précautions, rien n'y fait. Négligences, écarts, imprudence… reviennent en force. Encore une fois. L'affluence des malades monte en flèche tout au long des 24 heures. Le pic est particulièrement enregistré entre 17 heures et minuit. Le service ne désemplit pas. Entièrement rénovée, cette structure des urgences médicales mobilise une équipe de cinq médecins et des infirmiers. Le nombre de malades chroniques, de personnes souffrant de problèmes gastriques, de colopathies, d'ulcères augmentent de façon spectaculaire durant ce mois. Sans oublier les nombreuses personnes qui déboulent dans ces services pour de petits ennuis, sans réelle urgence. Déshydratation, canicule, mal de tête…«Si tout le monde jouait le jeu, les urgences ne seraient pas aussi débordées durant le Ramadhan », lance un infirmier abordé à l'entrée des urgences de Béni Messous. «Ainsi, au lieu des 350 personnes qui défilent sur les 24 heures, on se retrouverait avec pas plus d'une quarantaine de cas nécessitant réellement une prise en charge urgente», dit-il. Selon lui, le nombre de «faux malades» est de plus en plus important particulièrement durant le Ramadhan. Ces derniers se confondent avec les vrais cas urgents, ce qui complique davantage la tâche des équipes de secours. Et d'ajouter : «Nous ne pouvons même pas faire le tri, car les gens rouspètent et trouveront à redire.» «C'est la même chose à chaque Ramadhan», lâche entre deux consultations une jeune médecin, très active, apparemment dépassée par le flux de patients. «Juste après le f'tour, c'est le déferlement», dit-elle. Les gens viennent pour des colopathies, ulcères, gastrites, intoxications alimentaires, en sus des malades habituels, comme les hypertendus et les diabétiques. Mais à vrai dire, ajoute-t-elle, beaucoup de cas ne présentent aucun caractère urgent. Ce qui nous détourne de notre mission essentielle. Elle regrette le fait que les personnes qui déferlent aux urgences pour de petits «bobos» prennent la place des cas vraiment urgents. Selon notre interlocutrice, «le médecin urgentiste doit s'occuper uniquement des cas urgents». «Or, explique-t-elle, bien souvent, on se retrouve obligés à prendre en charge des malades qui souffrent d'un petit mal de tête par exemple.» «Ainsi, raconte-t-elle, il y a beaucoup de jeunes filles de la cité universitaire de Béni Messous qui viennent consulter pour une petite migraine. C'est terrible de voir comme les personnes ont tendance à dramatiser.» Pour éviter la saturation des urgences, elle conseille de créer un service de bobologie au niveau de cette structure pour s'occuper de toutes ces petites «tracasseries». D'après elle, «il serait plus judicieux de filtrer à l'entrée les vrais des faux malades». «Ainsi, les cas urgents seraient orientés vers nous. Cela permettrait d'améliorer la qualité de la prise en charge et ne pas passer à côté des cas vitaux», précise-t-elle. «Nous sommes complètement épuisés par le nombre de cas à traiter. Nous ne pouvons même plus nous occuper des cas urgents qui sont mis dans la salle de déchoquage. Dans cette salle, les malades graves sont ceux qui ont le plus besoin de secours. Pour les malades bien portants, la demande d'urgence correspond davantage à de la prestation d'assistance.» Ce jeune s'interroge sur la mission des autres structures de santé et en particulier les établissements publics de santé de proximité (EPSP). Ces structures sont censées décharger les hôpitaux, notamment les urgences d'une partie des tâches qu'ils assurent actuellement. La nouvelle carte sanitaire en Algérie dédie les polycliniques de soins de base au citoyen. Les malades qui s'adressent directement aux hôpitaux doivent être pris en charge par ces polycliniques. Encore faut-il que ces dernières remplissent leur tâche en assurant la consultation spécialisée, ce qui permettra au citoyen de ne pas être obligé de se déplacer aux hôpitaux. Les polycliniques sont considérées comme des unités essentielles en matière de soins médicalisés. Elles comportent les activités de médecine générale, les soins dentaires, les consultations de soins de base, la chirurgie générale, la médecine interne, l'obstétrique, la pédiatrie et la prévention. Elles assurent les gardes 24h/24 et prennent en charge les urgences médicochirurgicales et disposent de laboratoires d'analyses médicales.Mais, concrètement, ces objectifs sont loin d'être atteints. A. B.