Photo : S. Zoheïr Par A. Lemili Pas mal de présidents d'associations sportives de football ont un avis des plus mitigés sur la professionnalisation de la discipline. Ce qui somme toute est normal. Les pouvoirs publics ne viennent-ils pas avec ce «coup de force» si tardif de donner un vrai coup de pied dans la fourmilière, et ce faisant, tarir une source de revenus sans commune mesure avec certains personnages compte tenu de l'opacité de la gestion qui prévalait jusque-là grâce à une permissivité loin d'être étrange des pouvoirs publics.A contrario, certains autres n'hésitent pas à afficher leur grande satisfaction et jurent qu'aujourd'hui, «une épine leur a été enlevée du pied» en raison de l'obligation de transparence qui doit dorénavant caractériser la gestion des clubs, une opacité qui, faut-il le rappeler, est sans nul doute à l'origine de l'instabilité chronique de l'ensemble des associations, exception faite de celles réputées traditionnelles et/ou historiques. La perversion du jeu dans toutes ses strates, depuis le début des années 1990, a conduit ces mêmes clubs (traditionnels ou historiques) à rentrer dans les rangs et s'inscrire dans un modus-vivendi qu'ils rejettent naturellement et qu'ils adoptent au risque d'être disqualifiés.Le système de rémunération des joueurs en est l'exemple le plus frappant. Les montants versés lors d'un recrutement pharamineux étaient souvent inversement proportionnels aux qualités d'un joueur donné. Un tocard, comme qualifié dans le jargon sportif, pouvait être, au petit bonheur la chance, promu au stade de star sollicitée que des clubs se disputaient, souvent au mépris de toute morale, et payaient rubis sur l'ongle un salaire indécent. Or, nul parmi nos concitoyens n'ignore qu'en réalité, d'amont en aval, toute la chaîne était gangrénée. Un footballeur officiellement recruté contre la somme d'un milliard de centimes pouvait ne toucher que 40% de ladite somme, mais convenait officiellement de son coût validé par un notaire véreux. Tout cela au moment où les responsables des instances sportives nationales faisaient semblant de regarder ailleurs. La presse notamment spécialisée, en grande partie complice, se faisait le relais d'une superbe carambouille d'autant plus que nombreux parmi nos confrères se sont, dans une illégalité tolérée et qui en rajoute au désordre général, intronisés en agents de joueurs…Histoire d'arrondir leurs fins de mois. Des actionnaires parmi les plus importants d'un club de division deux ont confirmé leurs intentions d'avoir intégré le giron d'une association non pas pour jouer le rôle «d'armée du salut», mais en tant «qu'investisseurs venus placer dix ou quinze millions de dinars et l'objectif d'en gagner à moyen terme le quintuple». Est-il besoin également de souligner qu'une bonne partie des apports d'associés dans les conseils d'administration peut être - et est souvent - d'origine douteuse, mais selon un membre du CA qui a requis l'anonymat, «quelque part, l'idée était de sauver une discipline totalement pourrie dans laquelle une masse d'argent phénoménale circulait sans traçabilité et se dissipait sans que les pouvoirs publics et les instances nationales ès qualités n'arrivent à normaliser la situation. Et il existe un autre aspect qui consiste tout aussi à légitimer des capitaux investis dans des sociétés privées à la gestion peu orthodoxe, drapant ainsi dans la foulée du statut d'honorabilité ces mêmes sociétés. Vous n'êtes pas sans avoir remarqué que tout repose sur la moralisation d'une ou plusieurs activités».Le professionnalisme obéit à une volonté politique irréversible, elle-même dictée par les instances sportives internationales et affirmer ici et maintenant que les conditions sont réunies pour que le coup de starter soit donné dans une harmonie, aussi relative serait-elle, consisterait à faire prendre des vessies pour des lanternes à tout le monde.Le professionnalisme du football et ceux qui vont en interpréter la symphonie ne sont pas sans rappeler ces propos ironiques qui consistaient à dire que «les Algériens font semblant de travailler et leurs employeurs de les payer». Dans ce cas de figure, dans la compétition qui s'annonce, les joueurs vont faire semblant de jouer, les porteurs d'actions de contribuer à un effort économique doublé d'un autre sportif et, du coup, s'auréoler du mérite national, les supporters d'être les éternels faire-valoir, sinon les grands figurants d'une grande mise en scène où l'ensemble des interprètes va passer d'amateurs à professionnels sans que les mentalités ne changent d'un iota.