Photo : Riad Par A. Lemili Deux ou trois situations du football algérien, à un moment donné, résument la grande déliquescence dans laquelle s'enfonce la discipline. La première est cette description du CR Belcourt sur Wikipedia : «Une seule saison aura suffi au CRB pour attirer l'attention et l'admiration de tous les Belcourtois ainsi que des habitants des quartiers environnants, au point que tout le monde participa à collecter des fonds pour le club, notamment chez les grands commerçants de l'époque et dont la contribution était jugée large et généreuse et ceci afin d'offrir au club les moyens de sa politique.» Ensuite, «après cette saison, une véritable descente aux enfers commence pour le Chabab qui fait une chute libre en raison de la politique déraisonnable de sa nouvelle direction». Et pour mieux expliciter ce qui est dit dans l'encyclopédie en ligne, ces quelques données : le CRB est champion d'Algérie en 1965, 66, 69, 70 et vice-champion en 1967, 72, 77, 80. Vainqueur de la Coupe d'Algérie en 1966, 69, 70, 78. Vainqueur de la Coupe maghrébine des clubs champions en 1969, 70, 71 et, enfin, vice-champion en 1973. Il s'agissait, là, du parcours phénoménal et du palmarès d'un club somme toute ordinaire, d'une équipe de quartier même si c'était celui de la capitale. Il y a eu par la suite un ou deux titres, même plus si l'on comptabilisait ceux remportés au rabais à partir de l'année 2000, mais le changement est manifeste et la régression criante. Le deuxième élément de nature à cerner cette déliquescence est le constat suivant d'autant qu'il est public parce qu'hyper-médiatisé dans la mesure où il implique un grand commis de l'Etat, ministre des Sports et le dirigeant d'un club sportif de l'est du pays dont le parcours dans la discipline mitigé, voire douteux, a choqué le microcosme sportif sans exclusive. A partir de Sétif, ledit ministre en 2006 sollicitait «la patience des jeunes Algériens et leur soutien pour vaincre la mafia du sport qui sévit en Algérie». Et réponse du berger à la bergère, l'un des bailleurs de fonds du club concerné, promu évidemment dirigeant de fait, de rétorquer : «Il n'a pas admis que des dirigeants, comme ceux de…, s'activent à sensibiliser des sponsors et bienfaiteurs pour disposer de moyens financiers. Envieux à l'extrême, celui qui a fait du régionalisme son violon d'Ingres, alors qu'il était ministre de la Santé, remet ça. Il reproche aux bienfaiteurs et aux sponsors leur manière de dépenser leur propre argent !» Le président de… a estimé que le ministre de la Jeunesse et des Sports «aurait mieux fait de s'occuper de la politique de développement du sport et des activités de la jeunesse au lieu de s'ingérer dans la gestion des ligues, fédérations et clubs». Et d'enfoncer le clou par «passant son temps à dire des âneries». Voilà, donc, où en étaient arrivés le football algérien et le respect minimum dû à une personnalité officielle. La tentative de ce même ministre de redresser la situation grossière et pataude à cette époque, s'est avérée un authentique coup de pied dans la fourmilière. Les milieux dont les intérêts allaient être remis en cause réagissaient et cette réaction allait faire boule de neige dans la mesure où des présidents ont, sans ambages, assuré leur collègue de leur solidarité alors que d'autres, qui jugeaient que ce dernier n'était pas fréquentable, adoptaient malgré tout une attitude corporatiste, s'insurgeant contre les propos du représentant de l'Etat. Ce bras de fer surréaliste, dans lequel le commis de l'Etat perdra son crédit (sic) et à la longue (histoire de ne pas lui faire perdre la face) son poste de ministre, résume à lui seul la situation et la surpuissance des lobbies malfaisants qui font et défont aujourd'hui les milieux du sport le plus populaire dans le pays. A l'exception de Hannachi et d'Allik, quel est le président qui pourrait se prévaloir de l'inamovibilité qui fait leur exception ? Il est vrai qu'à leur avantage, ces deux présidents ont une longueur d'avance sur le reste de leurs collègues… Ils ont joué au football et cet élément pèse énormément dans la balance. Leur charisme n'est pas usurpé. Et, pourtant, ils demeurent malgré tout des dirigeants loin des canons du métier puisque c'en est devenu un. Sinon, qu'est-ce qui ferait courir des individus, au demeurant simples et parfois simplets à se plonger dans les eaux tumultueuses de la gestion d'un club de football jusqu'à devenir de véritables puissances ? Le cas évoqué de ce dirigeant d'un club de l'est du pays en est la meilleure illustration et l'opportunité nous a été donnée, il y a quatre ans, de voir l'actuel Premier ministre lui donner du «Si» (Monsieur), voire de lui demander son avis sur de grands sujets politiques concernant la wilaya, sa wilaya. Comme il nous a été donné également l'opportunité d'assister à des parodies d'assemblée générale au cours desquelles n'importe quel supporter, le qualificatif d'énergumène serait plus juste, postulait à la présidence du club. Des AG où nous avons vu des CV construits sur place et une légitimité de membre de l'assemblée générale donnée et adoptée également sur place, des élections faites et le dossier bouclé. Seule la lumière pouvait aller plus vite. Gloser sur ce dossier, celui du football national, serait interminable et ne servirait à rien dans un pays où il n'existe qu'un seul club digne de ce nom : la sélection nationale en l'occurrence. Et celle-ci, comble du paradoxe, est pratiquement une équipe importée du fait de sa composante. C'est dire qu'avec toutes ces turbulences, clubs et dirigeants qui y sont hébergés ne sont même pas en mesure de mettre en place une compétition qui se respecte. Mais peut-il en être autrement exigé de la médiocrité générale ambiante : éléments sur le terrain, dirigeants locaux, responsables nationaux et en plus clair toute la politique sportive autour de la discipline ? Conclusion : nous avons évoqué le CRB, il n'est qu'un exemple de bien d'autres clubs qui ont écrit les pages glorieuses de la compétition dans l'est, le centre et l'ouest du pays. Et, ironie du sort, le même CRB, quarante ans après, fait la même funeste actualité. Un confrère sous le titre «CR Belouizdad : un club en détresse» (sic) faisait presque dans l'oraison funèbre dans son édition de samedi. «Les apparences sont trompeuses… Je ne peux plus cacher le soleil avec le tamis… J'ai l'impression qu'on veut détruire le CRB… Nous travaillons dans l'illégalité», y affirme son président Mahfoud Kerbadj.