Synthèse de Ghada Hamrouche Les travaillistes au pouvoir comme l'opposition conservatrice ont entamé hier une chasse aux élus indépendants afin de tenter de former un gouvernement de coalition alors que, pour la première fois en 70 ans, aucun des deux camps n'a pu obtenir la majorité au Parlement australien. Alors que les projections des instituts de sondage donnent les travaillistes du Premier ministre Julia Gillard et l'opposition libérale-nationale de Tony Abbott en tête avec 73 sièges, les quatre députés indépendants et les Verts sont fortement courtisés, afin de permettre à l'un ou l'autre des camps d'obtenir la majorité de 76 sièges au Parlement. Tour à tour, Mme Gillard comme M. Abbott sont venus à Canberra rencontrer les trois députés indépendants ainsi que les Verts qui ont par ailleurs renforcé leur présence au Sénat. Selon Mme Gillard, qui a dilapidé l'avance des travaillistes dans les sondages il y a quelques semaines encore, le pays veut malgré tout un «gouvernement stable […] cela signifie qu'une majorité d'Australiens souhaitent un gouvernement travailliste». Cette ancienne avocate de 48 ans, devenue Premier ministre en juin à la faveur d'une fronde au sein du Parti travailliste contre son leader Kevin Rudd, semble avoir fait les frais de cette éviction musclée et mal comprise par les Australiens. De son côté, M. Abbott, ancien ministre dans le dernier gouvernement conservateur battu en 2007, juge que le Premier ministre actuel a perdu sa légitimité. Les trois députés indépendants, anciens membres du Parti libéral de M. Abbott ont donc les cartes en main, mais n'ont donné encore aucune indication sur leur préférence. «Je n'ai pas à choisir entre une équipe rouge ou bleue, ou entre Julia et Tony», a expliqué Rob Oakeshott. «Ce que je dois faire, c'est trouver une façon de travailler ensemble afin d'aboutir à un Parlement dans lequel on a confiance, doté d'une majorité claire.» Hier, après le décompte de 75% des suffrages, la commission électorale donnait 72 sièges aux travaillistes et 70 à la coalition libérale-nationale. Le décompte des quelque 2 millions de votes par correspondance et par procuration pourrait prendre encore au moins dix jours, selon la commission. Les analystes politiques estiment, eux, que la formation d'un gouvernement de coalition pourrait prendre plusieurs semaines, voire plusieurs mois.Le Parlement élu doit se réunir 30 jours après la confirmation du nom des élus, cette confirmation par la commission électorale pouvant intervenir au plus tard le 27 octobre. «Cela pourrait permettre au Premier ministre Julia Gillard de convoquer la Chambre des représentants au plus tard le 26 novembre, ce qui donnerait ainsi jusqu'à trois mois pour trouver un accord avec les députés indépendants», a estimé Donald Rothwell, professeur de droit à l'Université d'Australie. Mme Gillard pourrait ainsi assurer l'intérim jusqu'à cette date, a-t-il ajouté. Mais selon Michael Coper, professeur de droit dans la même université, il semble plus probable que Mme Gillard ou M. Abbott soit en mesure de trouver un accord pour former un gouvernement bien avant cette date. «En raison de l'importance [de la situation politique] pour les marchés, une résolution devrait être trouvée d'ici une ou deux semaines», a estimé de son côté Ian McAllister, également professeur à l'Université d'Australie. La Bourse de Sydney, contre toute attente, a terminé stable hier (-0,04%) tout comme le dollar australien. Les valeurs minières ont, elles, grimpé, avec l'espoir de voir M. Abbott arriver au pouvoir et écarter un projet travailliste controversé de taxe sur les super-profits miniers.