Pour la communauté musulmane, le mois de Ramadhan est censé revêtir une sacralité à même de la maintenir dans un esprit de spiritualité, de partage et de pondération. Pour le cas de l'Algérie au moins, force est de relever que cette étape de l'année est souvent tout, sauf ces qualités qui distinguent, dans l'absolu, le pratiquant convaincu et croyant du reste de la population. Il est désormais établi que l'arrivée du Ramadhan est surtout synonyme d'une frénésie incontrôlable pour la consommation qui n'est pas étrangère à la flambée des prix de produits de première nécessité qui accompagne de manière inconditionnelle ce mois. Une agitation incroyable s'empare alors des citoyens à quelques jours déjà du début du jeûne, comme s'ils devaient faire face à une soudaine pénurie à laquelle ils ne s'imaginent pas pouvoir résister. Arguant de l'argumentaire de la forte demande spécifique à ce mois, les vendeurs de première et de seconde main ne peuvent qu'y trouver leur compte et justifier des hausses vertigineuses qui érodent le pouvoir d'achat de leurs clients. L'affluence démesurée des consommateurs constatée aux premiers jours de ce mois a conduit à des prix qui sont littéralement passés du simple au double, voire plus. Il aura fallu qu'ils tempèrent quelque peu leurs ardeurs, pour une raison ou une autre, pour que fruits et légumes retrouvent leur cours habituel ou s'en rapprochent. Les comportements nuisibles ne pouvant qu'entraîner des réactions tout aussi répréhensibles, seules la sagesse et la mesure peuvent, à leur tour, appeler à des attitudes tout aussi positives. C'est ainsi qu'il est recommandé de s'armer de patience et de bon sens pendant ces journées estivales de jeûne pour ne pas céder aux éventuelles situations de perte de sang-froid, d'énervement, voire d'agressivité que les Algériens ne manquent pas d'exprimer en prenant le soin d'imputer leurs réflexes épidermiques à «Sidna Ramadhan». C'est à se demander s'il est requis des musulmans de s'acquitter de l'un des cinq piliers de leur religion parfois au prix d'une altercation avec son voisin, son collègue ou un simple inconnu, qui, dans certains cas extrêmes mais néanmoins existants, vont jusqu'à se solder par des pertes de vie. Quel intérêt alors à ce moment à accomplir une dette envers le Créateur si elle s'accompagne de nuisances et de préjudices envers son prochain, sachant que c'est en cela que le musulman est le plus interpellé et c'est sur ce registre que sa religiosité et, tout simplement son humanisme, sont le plus à tester ? Et la liste des travers, qui collent désormais de manière irréversible à ce mois spécifique, n'est pas prés d'être close : les cas de vol, d'agressions contre les personnes vulnérables, d'escroquerie…se multiplient. Le nombre des mendiants et autres nécessiteux de circonstance n'hésitant pas à user des moyens les plus vils en vue de soustraire le plus à la générosité des âmes charitables. Autre phénomène qui prend de l'ampleur durant le mois sacré : l'accroissement des prédicateurs immatures et autres moralisateurs qui s'auto-attribuent le droit d'être les gardiens de la bonne conduite et les garants de la chasteté. A ces dangereuses déviations, s'associent les innombrables cas d'intolérance et d'extrémisme face à tous ceux qui ont choisi de se différencier de la masse et d'être en harmonie avec leurs propres croyances. Au rythme où vont les choses, le Ramadhan n'aura bientôt plus aucun sens chez nous et ceux qui se rappellent de l'ambiance d'antan, du vrai partage, des soirées qui s'étirent à la lecture des bouqalat et des joies sincères des retrouvailles, regretteront à jamais cette époque bénie et si empreinte d'abondance et de tolérance. M. C.