De notre correspondant à Oran Mohamed Ouanezar De tout temps, Oran a été à l'avant-garde des activités artistiques et culturelles dans le pays. Elle a mérité le titre d'El Bahia (la joyeuse) qu'on lui a donné. La ville a enfanté nombre de grands artistes et d'hommes de lettres et de culture. Durant son histoire tourmentée, Oran a constitué un pôle de rayonnement et de foisonnement culturel et artistique. Bon gré, mal gré, la ville continue d'assurer sa vocation faisant face à d'innombrables intégrismes et oppositions. L'exemple de cet ancien élu local dont le nom avait été mêlé à des histoires de dilapidation de foncier et qui, avec l'âge, s'était rangé et n'a pas trouvé mieux que de s'interroger sur le titre qu'on a donné à Oran. «Vous n'avez pas trouvé un autre nom à cette ville qu'El Bahia ?», s'insurgera-t-il lors d'une session de l'Assemblée populaire de wilaya (APW). Cette exclamation illustre, en fait, une tendance ambiante de la part de certains nouveaux venus qui entendent «recadrer» la vocation de la ville. Ce que le terrorisme et l'intégrisme religieux n'ont pas réussi à imposer à Oran, ces nouveaux illuminés veulent le faire et l'exécuter à tout prix. «On nous taxe toujours de gens festifs et de fêtards. C'est inacceptable», notent de plus en plus de responsables locaux. Comme si une telle vocation faisait honte et jetait l'opprobre sur la cité. Cela dénote, surtout, une limite de l'esprit et du bon sens et un bornage extrémiste, de plus en plus, ambiant. De telles idées péjoratives ne datent pas d'aujourd'hui, elles ont toujours existé. Seulement, elles n'ont jamais pris forme et façonné le quotidien de la cité comme au cours de ces dernières années. Le plus grave dans tout cela, ce sont des responsables locaux, dont des walis, sénateurs, députés et autres élus locaux qui ont été les pions actifs de ces intégrismes béants. La célèbre phrase d'un compagnon du Prophète, «laissez vos enfants, ils sont nés pour un temps qui n'est pas le vôtre», illustre la réponse que doivent longtemps méditer ces responsables mal inspirés. Et dans notre sagesse populaire, il n'y a pas mieux que ce bel adage, «celui dont le temps est écoulé, ne doit pas convoiter le temps des autres», est-il dit dans le sens global. Et pourtant, toutes les activités d'envergure qui étaient organisées dans la cité ont disparu à la suite d'injonctions et d'interférences de l'administration locale et autres. Le dernier en date étant le festival de la chanson raï, ce mal- aimé des autorités, qui a fini par être transféré, malgré toutes les oppositions. Pourtant, le festival du raï qui fait des jaloux partout dans le monde, qui attire des touristes et qui génère des rentrées subsidiaires importantes, est né à Oran. Ses origines lointaines ne sont pas à chercher dans la wilaya de Sidi Bel Abbès qui a enfanté de grands noms de la chanson raï, mais plutôt dans l'ancienne province d'Oran, Aïn Témouchent. Ça, c'est l'histoire et elle ne peut être déformée. Les champs de vendanges, les exodes de familles entières à la recherche de ressources durant la colonisation et les débuts d'une épopée pour un style de chant impressionnant et éternellement rebelle. Il y eut également le célèbre Salon méditerranéen des arts plastiques qui a fait des émules çà et là dans le pays et chez nos voisins. Ayant regroupé les plus grands noms de la toile, de la sculpture et autres dans le monde, le salon devenait encombrant finalement. Aujourd'hui, cela fait plus de trois années que le salon attend d'être repris par ses initiateurs. La loi sur l'institutionnalisation des festivals a finalement joué en défaveur de la continuité de ce salon. C'est un peu «ce qui n'est pas avec moi est forcément contre moi». D'autres activités couvaient à Oran, mais ne pouvaient connaître des suites significatives. Le bureau des associations de la wilaya est devenu, à travers le temps, un véritable obstacle à la production culturelle et artistique dans la wilaya. Ainsi va Oran, en attendant mieux.