Photo : Riad De notre correspondante à Tlemcen Amira Bensabeur Le vocabulaire du management a fait son entrée dans l'hôpital de Sebdou en juillet 1993. C'est le 1er séminaire national dans ce sens que cet hôpital a eu le privilège d'organiser sous la présidence de son ex-directeur M. Saïdani Mohamed. Aujourd'hui, l'hôpital de Sebdou a failli à sa mission. Il est complètement déglingué, plongé dans un profond coma. Fierté de la région il y a quelques années, ce véritable bijou architectural se trouve dans un état de «santé» critique et l'ensemble de la population de l'extrême-ouest, estimée à plus de 100 000 habitants, crie au scandale et interpelle qui de droit avant qu'il ne soit trop tard. Sous-sol inondé par les eaux usées L'enquête menée par nos soins, au sein de cet établissement hospitalier, montre à quel point la situation est catastrophique. Plusieurs carences y sont constatées dont notamment la plus grave, à savoir les caves qui sont complètements inondées par les rejets des eaux usées de l'hôpital, des produits toxiques, etc. Il s'agit en fait d'une véritable catastrophe écologique et pandémique qui menace, entre autres personnels, malades et visiteurs. Et comme partout dans les hôpitaux, les infections nosocomiales touchent chaque année de nombreuses personnes. Survenant dans les établissements de soins, ces maladies suscitent autant d'inquiétudes que d'interrogations. Les infections nosocomiales font désormais partie d'un ensemble plus vaste appelé infections associées aux soins et constituent un enjeu de santé publique fort.Fréquemment induites par la situation médicale du patient, elles sont favorisées par les actes invasifs nécessaires au traitement de la pathologie et leur prévention nécessite l'application rigoureuse des recommandations de bonnes pratiques. Chose qui semble négligée au niveau de l'hôpital de Sebou, puisque la situation des caves perdure depuis des années et le quotidien la Tribune a été le premier à rapporter les faits.Selon le directeur de cet hôpital, M. Beldjilali, une fiche consultative a été signée le mois d'août dernier et qu'un avis d'appel d'offres sera lancé prochainement. Du côté du directeur de la santé de la wilaya, M. Lalama Abdelhalim, «des instructions fermes ont été données pour bien gérer l'hôpital de Sebdou qui demeure unique à l'échelle de la wilaya à sombrer dans ces problèmes». M. Lalama n'a pas manqué lors de notre enquête de révéler, par ailleurs, que le directeur a été saisi, à maintes reprises, pour bien gérer son établissement. En effet, même les observateurs critiquent l'inefficacité de cet hôpital qui reste debout grâce aux personnels paramédicaux. Manque d'équipements, de literies, un bloc opératoire fermé depuis deux années, etc. des lacunes sont visibles au sein de ce secteur sanitaire autrefois fierté de toute une région.Cependant, toujours au sujet des sous-sols, «lieux filmés par nos soins», l'hôpital de Sebdou se trouve désormais au bord d'une catastrophe écologique et pandémique. Eaux usées, produits pharmaceutiques se déversent au sous-sol, ce qui offre un décor désolant, et l'infrastructure risque d'enregistrer des affaissements de terrain.Dans ce sillage, faut-il le noter, le directeur de l'hôpital, M. Beldjillali, avec qui on a eu un long entretien sous forme de «conversation enregistrée», a critiqué le budget de fonctionnement en signalant que sur un budget global annuel de 32 milliards de centimes dont 59% destinés à la masse salariale, le budget de fonctionnement est de l'ordre de 7%. «Imaginez le montant. Que peut-on faire avec ?» fera-t-il observer. A en croire les déclarations du directeur, les travaux d'aménagement des caves seront lancés dès la fin de l'année en cours. Réforme hospitalière négligée Evoquer la réforme du système de santé en Algérie, qui demeure l'une des priorités du ministère visant ainsi à moderniser et optimiser la gestion des soins hospitaliers, reste une question qui n'a pas de réponse au niveau de l'hôpital de Sebdou. A titre d'exemple, la literie dans certains services n'existe pas. En effet, lors de notre enquête au niveau du service de la maternité, les malades sont contraintes d'apporter avec elles leurs draps, couvertures, etc. Interrogé, le personnel de ce service «des sages-femmes» ont souligné avoir abordé le sujet mais ne sachant à quel saint se vouer. Du côté des patientes, certaines n'ont pas caché leur colère surtout celles qui habitent loin de l'hôpital, à des kilomètres.Selon le directeur de l'hôpital, l'ensemble des services dispose d'un stock en ce sens, mais durant cette nuit du 7 au 8 septembre, la maternité n'avait rien reçu. Peut-être, a-t-il failli, la demande n'a pas été faite. Le directeur a refusé la consultation des commandes, ce qui induit que cette nuit et bien d'autres nuits, le patient a été contraint de se munir de sa propre literie.Interrogé, le DSP de Tlemcen a précisé que l''hôpital est un élément central pour garantir et préserver la santé de nos concitoyens. Proposant un service performant dans un cadre accessible et humain, il est un point d'ancrage sur le territoire. Il doit le rester. Et d'ajouter : «nous avons ouvert les portes aux chefs d'établissement mais certains ignorent la bonne gouvernance de l'hôpital.»Au sujet du secteur sanitaire de Sebdou, a-il noté, le directeur a été instruit de prendre en charge tous les problèmes, y compris l'achat des équipements. Ainsi devant de telles négligences, le ministère de la Santé doit réagir pour réanimer cet établissement, autrefois hôpital de 240 lits dégradé à 120 lits et qui sera, peut-être demain, transformé en EPSP ; une perte pour toute une région. Un bloc opératoire fermé Le bloc opératoire, qui enregistrait il y a quelques années jusqu'à 30 opérations chirurgicales, se trouve à l'abandon et les travaux d'aménagement tardent à se concrétiser. Les syndicalistes tirent la sonnette d'alarme car les interventions chirurgicales se font au niveau de la maternité et qu'en cas d'urgence. Autrement, le reste est évacué. Selon le directeur, M. Beljillali, le bloc sera opérationnel dès la fin du mois en cours, soulignant que le retard est dû aux imprévus. Chose que le personnel n'a pu digérer arguant que le bloc est victime d'une pure négligence faute de suivi.Autre facteur qui pousse les populations à interpeller qui de droit, celui des spécialistes. A titre d'exemple, la maternité compte trois gynécologues, mais l'on ne travaille que la garde payante, soit 24 heures tous les trois jours. Le médecin perçoit et le salaire et la prime de la garde, ce qui a été dénoncé par des syndicalistes. Le directeur M. Beljillali a affirmé que le médecin travaille 36 heures chaque trois jours, mais notre enquête a révélé autre chose. Il ne fait que 24 heures. Le reste des nuits et en cas de complications, les évacuations se font sur Tlemcen et de nuit. Ce qui aggrave davantage la situation vu le manque d'équipements, que ce soit pour le traumatologue où une table de traumatologie de 300 millions de centimes se trouve à l'abandon ou le cardiologue sans échographie. Au niveau de cet établissement, les spécialistes crient au scandale et au laisser-aller. «Nous allons procéder à l'achat de tous les équipements nécessaires», dira le directeur de cet hôpital. Le hic, c'est qu'à chaque fois, c'est la même réponse. Toujours à ce sujet, le directeur de la santé de la wilaya d'un air emporté, n'a pas manqué de marteler : «je lui ai, à chaque occasion, ordonné d'équiper son hôpital de l'équipement dont il a besoin.» Des lacunes et des interrogations Le flux (statistiques du mois d'août, au niveau des UMC, 6 094 admissions, 3 988 analyses au laboratoire, 1 900 cas en radiologie) montre à quel point l'hôpital offre ses services aux populations de l'extrême-ouest. Néanmoins, des lacunes, à savoir le manque de produits au niveau du laboratoire d'analyse.A titre d'exemple, les analyses FNS obligent les patients à converger vers le privé en parcourant des kilomètres. A cela s'ajoutent d'autres problèmes qui se posent avec une nette acuité. L'hôpital a failli à sa mission et les décideurs doivent le réanimer avant qu'il ne soit trop tard. Car l'hôpital a pour rôle la prise en charge des patients et la contribution à l'amélioration de leur état de santé. Chose qui n'est que légèrement enregistrée et nul ne peut le nier car les responsables, les populations, les personnels sont conscients de la dégradation de cet établissement hospitalier. A rappeler, au passage, à titre d'exemple, le service des UMC. L'urgence est un problème complexe et primordial. Pourtant le service d'accueil des urgences constitue la vitrine de l'hôpital. C'est le pivot de l'organisation à mettre en place pour la bonne mise en marche des urgences, puisque sa place au sein de l'hôpital doit être définie sans ambiguïté et des moyens appropriés doivent lui être consentis pour remédier aux insuffisances de la situation de départ. Ceci explique, comme nous l'avons constaté, une certaine négligence de la part des médecins, surtout à partir de minuit, où l'on se contente juste d'inscrire l'ordonnance, sans même consulter le patient.L'hôpital de Sebdou doit revoir sa gestion et traiter les maladies avant qu'elles ne se compliquent. L'avenir de notre système de santé dépend en grande partie de celui de l'hôpital. Faire un bilan de l'hôpital, penser sa réforme donc son avenir avec un seul but : construire l'hôpital de demain, performant et sûr afin que tous les citoyens soient bien soignés. Avec de la volonté, l'hôpital public peut être réformé et répondre ainsi aux défis de notre temps.