Al Qaïda au Maghreb islamique (AQMI), implantée dans la région du Sahel, a réussi à se mettre sous les feux de l'actualité depuis quelques mois. Après le kidnapping de plusieurs personnes étrangères, les demandes de rançon et la libération de quatre de ses acolytes, voilà qu'elle parvient à effrayer la France qui est en état d'alerte maximum. Comment l'AQMI qui n'est composée que de quelques dizaines ou centaines (qu'importe !) d'hommes armés réussit-elle à échapper à toutes les forces de sécurité qui la pourchassent dans chaque pays de la région ? Il y a, plusieurs raisons, en premier, le Sahel est un territoire extrêmement difficile à contrôler en raison de son immensité, des conditions de vie, de ses frontières passoires, de la facilité de mobilité, etc. De juteux trafics de cigarettes, de drogue, d'armes transitent par cette zone et alimentent l'instabilité. En deuxième lieu, il faut reconnaître que ces pays ont échoué à éradiquer le terrorisme dans cette zone à cause de leurs forces éparpillées. Depuis des années, les Etats de ces pays parlent d'une lutte commune qui permettrait de pourchasser les éléments de l'AQMI dans chaque parcelle du Sahel mais cela reste au stade des intentions. Il y a en dernier lieu, les liens qu'ont tissés les éléments d'Al Qaïda au Maghreb islamique avec les habitants de la région sahélo-saharienne, à savoir les Touareg. Ces derniers n'ont pas de parti pris dans le conflit et tant que les terroristes ne s'attaquent pas à eux, ils nouent de bonnes relations avec eux et continuent leurs échanges commerciaux. Ainsi, l'importance des réseaux de complicités tissés par l'AQMI leur offre une force supplémentaire pour s'implanter dans cette zone escarpée. Et leur permet également d'accomplir leurs forfaits en toute quiétude et de faire dans les coups d'éclat en kidnappant des étrangers. A travers ces rapts, l'AQMI renfloue ses caisses car, il ne faut pas se voiler la face, certains pays, même signataires de la résolution de l'ONU interdisant le paiement de rançon, se plient à la volonté des terroristes pour libérer leurs concitoyens. Ce sera le cas peut-être de la France, dont cinq citoyens ont été kidnappés au Niger la semaine dernière. Paris est prêt à «engager le contact à tout moment» avec la branche maghrébine d'Al Qaïda, comme l'a déclaré vendredi dernier, le chef d'état-major des armées, qui exclut pour l'instant une intervention militaire. L'amiral Edouard Guillaud a expliqué : «Nous ne sommes absolument pas prêts à leur céder en toute circonstance, la France comme d'autres pays l'a d'ailleurs montré les fois précédentes», citant le président Nicolas Zarkozy, pour qui le paiement de rançons n'est pas une stratégie durable, tout en nuançant : «Tout est fonction des circonstances». Faut-il rappeler que sous la pression de la France, le Mali a libéré en février dernier quatre terroristes après un simulacre de procès. En contrepartie, l'AQMI a remis en liberté l'otage français Pierre Camatte. Cette libération, qui avait suscité la colère de l'Algérie et de la Mauritanie, a été commentée, la semaine dernière par le président Amadou Toumani Touré : «C'était la décision la plus importante et la plus difficile que j'ai prise de ma vie : que faire ? Je ne négocie rien et j'abandonne la vie de Pierre Camatte ou bien fallait-il négocier ? Pierre est notre hôte et la France est un pays ami. Nous avons libéré ces gens après les avoir jugés et nous avons récupéré Pierre Camatte. Il y a deux écoles qui s'affrontent», a-t-il déclaré avant de reconnaître «dès qu'on commence à négocier, nous sommes dans une position de faiblesse. La solution, c'est le travail en amont, il faut faire en sorte qu'il n'y ait pas de prise d'otage». Des déclarations qui renvoient directement à la position de l'Algérie qui n'a cessé de prôner la lutte commune, le refus de négociation et du paiement de rançon. Aujourd'hui, il faut le reconnaître, Bamako est réticente quant à rejoindre la lutte anti-AQMI et cela par crainte de raviver la rébellion touareg. Les Touareg dont le nombre est d'environ 1,5 million répartis entre Niger, Mali, Algérie, Libye et Burkina Faso, ont posé, ces dernières années, de sérieux défis sécuritaires, surtout à Bamako et Niamey. Faut-il rappeler que le Mali a été confronté dans les années 90 et 2000 à des rébellions touareg qui ont pris fin en 2009. Mais la paix obtenue en échange d'une démilitarisation partielle du nord du Mali reste fragile. Actuellement et face à la multiplication des actions d'AQMI - la dernière étant l'enlèvement des sept otages, dont cinq Français au Niger transférés depuis au Mali - Bamako doit faire preuve de plus de disponibilité dans le combat du terrorisme. Raison pour laquelle, son président Amadou Touré a autorisé les pays voisins comme la Mauritanie et l'Algérie à intervenir sur son territoire. Mais à vrai dire, le conflit dans le nord du Mali dépasse les frontières de ce pays pour la simple raison que la population touareg se trouve disséminée sur les cinq Etats, cités plus haut. Aussi, toute tension survenant au Mali -ou au Niger- a-t-elle des répercussions immédiates dans le pays voisin. Ce qui fait que le Sahel reste extrêmement difficile à contrôler. Il y a eu pourtant, en juillet 2009, une réunion à Bamako, la capitale malienne entre les responsables du mouvement touareg de l'Alliance démocratique du 23 mai 2006 pour le changement et les représentants du gouvernement malien ainsi que la médiation algérienne, qui s'est soldée par l'engagement de l'Alliance à coopérer avec le gouvernement malien en matière de lutte contre le terrorisme dans la région du Sahel. Les trois parties ont décidé de mettre en place une série de mesures destinées à renforcer le processus de paix dans le nord du Mali. Parmi les mesures décidées : la création d'unités spéciales de sécurité dans le nord du Mali. Reste à savoir quelles sont la valeur de cet engagement et l'efficacité des unités spéciales ? Car, aujourd'hui, il apparaît clairement que face à des groupes mobiles, aguerris, éparpillés dans l'immense zone désertique aux confins du Mali, de la Mauritanie et de l'Algérie et qui ont des accointances et des relations familiales ou d'affaires avec les tribus locales, les Etats de la région semblent n'avoir ni les moyens ni une véritable offensive antiterroriste commune. L'AQMI continue donc à régner en toute quiétude sur le Sahel. H. Y.