De notre correspondant à Constantine A. Lemili à quarante-huit heures du derby constantinois, Constantine semble étrangement calme. Bien loin est le temps où la fièvre saisissait les supporters dès connaissance de la date de déroulement du derby. Prenant d'abord naissance dans les quartiers où, compte tenu du respect mutuel des règles de bon voisinage, les échanges entre les représentants des deux camps se confinaient de fait au seul contexte sportif, tout en prenant un autre contour au fur et à mesure que l'échéance se rapprochait, sans toutefois que cela dépasse les règles de la correction. L'ostentation, si paroxystique serait-elle, se limitant, ce qui est de bonne guerre, pour les antagonistes déshumanisés d'un week-end, aux ordinaires chances qu'avaient leurs clubs respectifs de remporter la première manche. Laquelle, est-il besoin de le souligner, permet de voir plus sereinement la suite des événements. Donc, durant presque un demi-siècle, le choc entre les deux clubs constantinois a été contenu dans la pure tradition sportive entre deux formations dont l'une (MOC) est adepte, par essence, d'un football académique, chatoyant et une autre plutôt besogneuse (CSC) au football musclé, sans attrait mais un «football d'hommes» aux yeux de ses fans. Néanmoins, le CSC de cette saison semble bien métamorphosé. Sa position de leader invaincu en est la preuve et l'avance confortable qu'il a sur ses poursuivants l'éloigne de toute pression. Mieux, après le derby, il aura à recevoir sur son terrain. A contrario, les Mouloudéens, qui font un bon début de saison, ont sans doute grillé leur capital confiance en laissant leur invincibilité à Médéa. Dans ce scénario, il ne serait pas exagéré de faire endosser le statut de victime expiatoire aux Blancs pour ladite rencontre. K. Madani, président du MOC joint au téléphone, nous dira : «Je peux vous assurer que nos joueurs sont hyper motivés. Ils vont étonner au cours de ce derby. Notre seule crainte reste l'arbitrage, non pas que nous doutions de l'impartialité, mais de la capacité des juges à y répondre présent avec un sans-faute.»S'agissant de l'organisation elle-même et en sa qualité de club hôte, «le Mouloudia a pris toutes les dispositions d'un déroulement de la rencontre dans les meilleures conditions. Au moment où je vous parle, je viens juste de quitter mon homologue du CSC (Boulhabib Mohamed dit Soussou) pour coordonner nos actions. 10 000 billets à 250 DA l'unité ont été réservés aux supporters des Vert et Noir. Celui (prix) des gradins a été fixé à 300 et 400 pour les tribunes. Les Socios du Mouloudia ne paieront que 200 DA et recevront un cadeau pour leur fidélité. Les points de vente ont été multipliés et une ristourne de 10% a été accordée au gérant du lieu pour chaque billet vendu», soulignera M. Madani. Il annoncera la présence de deux ministres et du chef de la Ve Région militaire.Quant aux mesures de sécurité, «elles ont été prises en tenant compte de la dimension du rendez-vous, mais sans pour autant faire dans l'excès d'anxiété. Vous n'êtes pas sans avoir remarqué la sérénité qui baigne la ville. En fait, les supporters des deux clubs sont conscients qu'en matière d'accession il y a de la place aussi bien pour le MOC que pour le CSC. Nous gagnerons tout en faisant en sorte que ce derby se déroule comme une rencontre parmi tant d'autres, loin de la passion, le chauvinisme. Ce n'est qu'une partie de football qui ne changera pas grand-chose à la suite de la compétition, même si d'aucuns y voient un virage important. Vendredi sera un jour de fête pour Constantine. Que le meilleur gagne !» Pour Y. Fersadou, président du conseil d'administration de la SSPA CSC, le derby «se quantifie, voire se valorise à nos yeux non pas pour ce qui va se passer sur le terrain entre les deux équipes, mais plus particulièrement en la reconquête du public. J'estime d'ailleurs que le vrai derby se déroulera plutôt dans les gradins et les tribunes. Je dis cela indépendamment du CSC ou du MOC, il s'agit du public constantinois globalement. Et quel meilleur cadeau faire à des jeunes qui n'ont que le football pour exutoire ? Ceci étant, gagner la première manche est légitime pour l'un et l'autre. Bien évidemment cela nous arrangerait beaucoup plus parce qu'elle mettrait à distance le club voisin et en même temps dauphin immédiat. Je pense d'ailleurs que la saison actuelle est la bonne pour les deux clubs, et ce ne serait pas de la prétention de dire que le MOC pourrait nous accompagner en division supérieure dans la mesure toutefois où les deux équipes gardent la cadence. Mais ceci est forcément une autre histoire, nous ne sommes encore qu'à la moitié de la première manche.» Enfin, pour la rue, notamment pour les anciens, le derby n'est plus ce qu'il était. «L'authenticité n'y est plus. Difficile de me faire admettre que les vingt-deux joueurs vont s'échiner à gagner parce qu'ils le font pour l'honneur. Or, l'honneur, c'est rien que cela qui comptait dans les derbies des années 60 et 70. Pourquoi ? Simplement parce que 90% des joueurs appartenaient à des quartiers parmi les plus populaires et populeux de la ville. Aujourd'hui, vous avez 100% d'éléments qui ne représentent qu'eux-mêmes. Vous me dites c'est malheureusement ça le professionnalisme. Eh bien, je vous réponds que le professionnalisme qui phagocyte l'authenticité, l'honneur, la volonté, la transcendance de soi… franchement je n'en veux pas», dira un vétéran des tribunes. Concluons, enfin, que le choc sera orphelin de retransmission télévisée. La raison est connue, le championnat de Ligue II n'est pas concerné et la démarche introduite par la direction du MOC pour obtenir une dérogation n'a pas tenu la route. Des séquences filmées exceptionnellement par Canal Algérie seront vraisemblablement proposées aux téléspectateurs lors du rendez-vous hebdomadaire sportif de l'ENTV.