Après les pays les plus pauvres du tiers-monde qui ont connu des reculs nets de leur PIB, c'est au tour, aujourd'hui, des pays développés de connaître le même scénario. La zone euro, la première puissance mondiale, et le Japon enregistrent ces derniers temps un recul de leur PIB. Concernant le continent européen, les chiffres fournis par l'Office européen des statistiques, Eurostat, parlent d'eux-mêmes. Ces derniers ont montré que, depuis la création de la zone euro en 1999, une baisse significative de la croissance a été enregistrée. «L'économie de la zone euro s'est ainsi réduite de 0,2% au deuxième trimestre comparé au premier durant lequel une croissance de 0,7% avait été enregistrée», a précisé Eurostat. Le risque de plus en plus grand d'une récession en Europe a donc plongé le Vieux Continent dans un climat d'angoisse et d'inquiétude. Alors que les économistes ne parlent pas encore de récession, sous le prétexte qu'on n'a pas encore atteint au moins deux trimestres consécutifs de croissance négative, préférant ainsi les termes «net ralentissement» ou encore de «croissance étouffée», les responsables politiques, quant à eux, multiplient actuellement les rencontres et les réunions. Ayant connu dans le passé une crise similaire, les Etats-Unis ne sont pas à l'abri de cette problématique. Les analyses de certains économistes convergent vers la même idée : l'économie américaine va probablement entrer en récession au second semestre en raison de l'atténuation de l'effet des mesures monétaires et fiscales et un «net ralentissement» est prévu pour l'Europe. «Les fortes baisses de taux d'intérêt et les remboursements d'impôts ont jusqu'ici permis à l'économie américaine d'éviter la récession, mais cet effet d'amortisseur arrive à sa fin. Les Etats-Unis ne pourront plus guère échapper à la spirale récessionniste. La croissance américaine devrait ainsi atteindre 1,3% cette année en termes réels, mais à peine 1% en 2009», expliquent les analystes de la banque suisse UBS. Même son de cloche chez le président de la Réserve fédérale américaine (Fed). En effet, M. Ben Bernanke a estimé, vendredi dernier, que la crise financière qui a commencé il y a un an ne s'est pas affaiblie et qu'elle commence même à toucher le reste de l'économie américaine, créant «l'un des plus difficiles contextes jamais vus». «La tempête financière n'a pas encore diminué et ses effets sur l'ensemble de l'économie deviennent apparents sous la forme d'un ralentissement de l'activité économique et d'une hausse du taux de chômage. Si l'on ajoute à cela l'accélération de l'inflation, liée notamment au bond des prix des matières premières, le résultat est l'un des environnements économiques et de politique monétaire les plus difficiles jamais vus», juge-t-il plus loin. Le Japon, dont l'évolution de l'économie est tributaire de ce qui se passe dans le pays de l'oncle Sam, est en état d'alerte. La Banque centrale nippone qui estime que la crise des prêts hypothécaires à risque (subprime), déclenchée il y a une année aux Etats-Unis, n'était pas finie, s'inquiète au plus haut niveau. «Le ralentissement des économies étrangères semble commencer à avoir des effets négatifs sur les exportations japonaises et, par conséquent, il faut faire très attention», estiment les membres de cette banque. Des économies fortes risquent de s'écrouler… Pour les économistes, ce qui est absolument certain, c'est que la crise que connaissent actuellement plusieurs pays développés est des plus graves. Et pour cause, celle-ci est caractérisée par trois facteurs, et non des moindres. Il s'agit de la «rapidité et de l'intensité de son développement». En d'autres termes, la récession qui frappe au cœur même des pays les plus développés ne concerne plus seulement des secteurs de vieilles technologies (charbonnages, sidérurgie, etc.) ou déjà arrivées à maturité (chantiers navals, automobile, etc.) mais carrément des secteurs de pointe, en l'occurrence, le secteur de l'informatique, de l'Internet, les télécommunications et surtout l'aéronautique. Ces derniers prédisent même des pertes chiffrées en milliards de dollars. A titre indicatif, le Vieux Continent, pourrait, dans ce cas, enregistrer des baisses de salaires, des dégradations des conditions de travail, mais surtout des centaines de milliers de licenciements. En clair, un effondrement de l'économie européenne, comme celui déjà enregistré aux Etats-Unis, n'est pas à écarter. Les dirigeants de plus en plus dans l'impasse Sachant préalablement que l'enjeu est des plus importants, en ce sens que ces contre-performances économiques qui font craindre les risques de plus en plus probables d'une récession, touchent même les secteurs stratégiques, les dirigeants de certains pays concernés ne cessent de multiplier les rencontres. Dans la zone OCDE, plusieurs pays industrialisés ont élaboré des plans de relance économique pour tenter de juguler ces contre-performances économiques. Au pays de l'oncle Sam, il a été mis sur pied, en janvier dernier, un plan de relance d'un coût de 168 milliards de dollars axé essentiellement d'une remise fiscale en faveur des ménages et du secteur économique. Lui emboîtant le pas, l'Espagne s'est également mobilisée avec l'annonce, dans le courant de ce mois, d'un plan de réformes qui sera mis en œuvre, en 2009, dans les secteurs du logement, du transport, de l'énergie, des télécommunications et services, et s'ajoutera à un train de mesures de relance à court terme de 18 milliards d'euros déjà annoncé. En Allemagne, moteur du continent, l'idée d'une baisse d'impôts fait débat au sein de la coalition gouvernementale mais aucune mesure n'a été annoncée. Un plan de relance comprenant des baisses d'impôts massives et des investissements publics aurait été préparé en cas de besoin pour l'automne. En Grande-Bretagne, où l'économie est très sensible au marché immobilier, le ministre des Finances, Alistair Darling, a laissé planer le doute sur une éventuelle suspension de la taxe sur les transactions immobilières. Par ailleurs, au Japon, le Premier ministre, Yasuo Fukuda, a exclu en juin dernier toute mesure fiscale pour relancer la croissance économique, estimant que le pays, trop endetté, ne pouvait se le permettre. Il a renvoyé aux «réformes structurelles [menées] depuis cinq ou six ans» tout en reconnaissant qu'elles n'étaient pas suffisantes. En France, qui assure la présidence de l'UE, et avec tous les indicateurs qui ont, à présent, viré au rouge, une réunion a été provoquée en catastrophe par le Premier ministre Fillon. En effet, après une croissance de 0,4% au 1er trimestre, l'économie française a subi un sérieux coup de frein entre avril et juin derniers, sous l'effet du pétrole cher, de l'euro fort et d'un ralentissement général de l'activité en Europe et aux États-Unis. Les responsables français, qui ne savent pas réellement à quel saint se vouer, attendent «plus clair» en ce sens qu'aucune mesure n'a encore été prise. Ces réunions, laissent-ils entendre, ont seulement pour but d'«analyser les causes de la dégradation de la conjoncture internationale», et d'«identifier les réponses qui devront y être apportées». «Il ne faut pas s'attendre à un bon 3e trimestre», car «les facteurs ayant pesé au deuxième trimestre sont restés présents en juin et sur une partie du mois de juillet», a reconnu la ministre de l'Economie,Christine Lagarde. S. B.