Photo : Riad Par Hassan Gherab «Il n'y a pas véritablement un marché de l'art. Mais on peut dire qu'il se dessine, en pointillé. Parmi les visiteurs que nous recevons, il y en a qui viennent à la galerie pour voir, découvrir et, peut-être, acheter. Mais d'autres arrivent avec une commande en tête, un nom. Ils savent ce qu'ils veulent et nous demandent si nous avons des toiles ou des œuvres de tel artiste peintre ou de tel sculpteur.» Cette assertion est venue, il y a quelques années, de la bouche de la responsable d'une galerie qui, depuis, a fermé ses portes. Et ce n'est pas la seule. Rien que pour Alger, la capitale, qui est censée être la vitrine de la culture et un pôle culturel, pas moins de six galeries d'art ont baissé rideau le temps de quelques travaux pour se transformer en un commerce plus lucratif.Quelle est donc la cause de la mortalité de ces espaces ? «L'inexistence d'un marché de l'art, pardi», nous réplique un ex-galeriste. Car, en termes purement économiques, qui dit marché de l'art dit rentabilité commerciale, donc viabilité de la galerie d'exposition. En effet, l'entreprise, pour culturelle qu'elle soit, n'en a pas moins besoin de faire des bénéfices pour pouvoir assumer les dépenses et charges fixes que son activité induit.Mais pour qu'il y ait un marché de l'art, il faut que l'art devienne un «consommable», que les artistes se fassent connaître et que leurs œuvres soient estimées à leur juste valeur, artistique et commerciale. Il faut donc qu'il y ait des galeries d'art qui travaillent à la découverte de l'artiste à révéler, présentent ses créations et le promeuvent.Résumons : pour que la galerie d'art soit viable, il faut qu'il y ait un marché de l'art, et pour que ce marché existe il faut qu'il y ait, entre autres, des galeries d'art. C'est là une parfaite illustration du chien qui se mord la queue, situation de laquelle on ne peut sortir que si les administrateurs de la culture poussent à la roue, donnent le coup de pouce qui propulserait les arts hors de ce cercle vicieux où ils se meurent. En d'autres termes, la culture, ne pouvant s'émanciper des financements et du soutien de l'Etat, a donc besoin que ce dernier accorde des facilitations aux personnes qui voudraient investir dans ce secteur. Concernant les galeries d'art, une révision à la baisse des impôts pourrait contribuer à leur éclosion et multiplication. Les responsables devraient aussi songer à encourager la récupération d'anciennes usines, manufactures ou entrepôts désaffectés et leur transformation en espaces culturels. L'expérience a fait ses preuves dans d'autres pays, dont l'Allemagne particulièrement. De vieilles carcasses rongées par le temps, ouvertes à tous les vents et qui enlaidissaient le tissu urbain sont devenues des musées et des espaces d'exposition après que des artistes eurent pris en charge leur restauration et leur réhabilitation. Les abattoirs d'Alger, qu'on se propose de détruire tout simplement, sont le parfait exemple de la structure qui pourrait, devrait, être récupérée et avoir une seconde vie comme espace dédié à la culture et aux arts. Une fois restaurés et réaménagés, les abattoirs ne dépareraient pas le futur quartier d'affaires, moderne et futuriste, qu'on projette d'ériger alentour. Bien au contraire, ce serait une touche artistique, un petit îlot pour le «beau», dans un monde de béton et de verre. Et les galeries d'art et les scènes qui s'y ouvriront auront tout le loisir de conquérir ce public de banquiers et d'administrateurs en attendant d'étendre leur horizon. On peut ouvrir autant de galeries qu'il y a de vieilles structures récupérables, avec moins de frais que nécessaires pour la construction d'une infrastructure. Dès lors, le marché de l'art aura toutes ses chances de relier les pointillés et de foncer le trait pour s'imprimer sur la scène culturelle.