La vertigineuse ascension des cours pétroliers suscite moult interrogations. Chez les analystes et spécialistes de la question, les avis divergent. Nourredine Aït Laoussine, fort de sa longue expérience dans le domaine et actuellement dirigeant du cabinet de conseil en énergies (Nalcosa), en Suisse, qui était l'invité jeudi dernier des débats organisés par le quotidien El Watan, a fait part de son approche sur le sujet. Cet ancien ministre algérien de l'Energie, dont l'intitulé de sa conférence était «le marché pétrolier mondial, nouveaux enjeux, défis émergents», a expliqué que cette flambée des cours tire son origine d'une soudaine augmentation substantielle de la demande, alors que les chocs précédents avaient été provoqués par une rupture de l'approvisionnement. Mais M. Aït Laoussine considère que la spéculation reste le principal facteur qui tire les prix vers la hausse tout en précisant : «Les fondamentaux [offre et demande] n'arrivent plus à ajuster le marché.» De plus, selon lui, la spéculation est encouragée par une psychose alarmante des capacités réelles de production. Et de soulever l'influence des marchés à terme. «Ils exercent démesurément une influence croissante sur les cours du baril de pétrole. Mais, a contrario, les mécanismes d'ajustement du marché sont devenus inopérants. De ce fait, des facteurs exogènes interviennent dans la formation des prix», a-t-il déclaré. Des prix qui, selon lui, ne sont plus du ressort de l'OPEP depuis 1986 : «Ils sont soumis simplement à la loi de l'offre et de la demande. L'organisation tente d'influencer les cours avec le système des quotas.» «Les analystes ne sont d'accord que sur un seul point : la formation des prix du pétrole est un processus complexe.» Cependant, M. Aït Laoussine a avancé que la faiblesse du dollar n'est que la cause d'un renchérissement des cours du brent. Il reconnaîtra toutefois «les effets pervers» de la faiblesse du dollar sur les prix du pétrole. Mais il a estimé que la corrélation existante entre le dollar et les prix n'est pas «démontrée». «L'on ne comprend pas pourquoi les prix du pétrole libellés en euro augmentent, alors qu'ils doivent baisser» selon cette corrélation, a-t-il constaté. Abordant les perspectives du marché pétrolier mondial, l'expert a prévu que la demande continuera à augmenter en raison de celle, forte, des pays émergents, surtout asiatiques, une progression qui s'accompagnera d'un déclin de plusieurs gisements dans le monde, notamment dans l'OCDE et les pays membres de l'OPEP. Selon ses prévisions, la demande mondiale en pétrole, estimée à 86 millions de barils/jour actuellement, passera à 98 mb/j à l'horizon 2015 et à 116 millions mb/j en 2030. Pour faire face à ce défi, l'OPEP doit se préparer à pomper plus de pétrole et doit porter sa production actuellement de 40 mb/j à 46 mb/j en 2015 et à 60 mb/j en 2030, mais «rien n'est sûr», a-t-il dit, car «il existe un doute sérieux» sur le niveau des réserves de l'OPEP et le rendement des infrastructures pétrolières des pays producteurs qui sont pour la plupart vétustes. Le conférencier a abordé un deuxième scénario, en se basant sur un rapport de l'Agence internationale de l'énergie (AIE) qui estime que les mesures de substitution aux énergies fossiles et celles de la protection de l'environnement réduiraient considérablement la demande pétrolière mondiale à 100 mb/j. En guise de conclusion, Laoussine a avancé qu'un «renversement de la situation est toujours possible à court terme» mais «un effondrement durable des prix est à exclure». Z. A.