Photo : M. Ouanezar De notre correspondant à Oran Mohamed Ouanezar Les bidonvilles prolifèrent toujours à Oran et défigurent le visage de la ville. C'est le constat récurrent que font les pouvoirs publics et les citoyens écoeurés par l'aspect dégradé de leur ville. La solution ? Elle se trouve dans la feuille de route du nouveau wali d'Oran. Une année pour en finir radicalement avec les constructions illicites qui essaiment la wilaya et celles qui ceinturent la ville. La mission du nouveau wali d'éradiquer les bidonvilles de la capitale de l'Ouest est-elle aussi facile qu'elle en a l'air ? Qu'en est-il des familles qui évoluent dans des agglomérations illicites ? Où vont elles, aller après leur démolition ? Va-t-on assister aux mêmes scènes d'il y a quatre années seulement ? Autant de questions et d'autres encore que les citoyens et les familles concernés se posent avec acuité et avec beaucoup d'appréhensions. Cela est d'autant plus inquiétant que le wali avait déjà annoncé deux options seulement pour les occupants de ces bidonvilles impressionnants. Ceux qui sont recensés dans le fichier national de 2007 seront relogés, les autres devront plier bagage. C'est aussi simple que cela. Mais pour les familles, rien n'est aussi simple. Immersion dans l'un des plus grands et impressionnants bidonvilles de la wilaya d'Oran, haï Cheklaoua, où nous nous sommes introduits et où nous avons réalisé cette enquête. Haï Cheklaoua, un bidonville qui renaît de ses cendres Haï Cheklaoua est un bidonville qui ne cesse de renaître de ses cendres, depuis des années déjà. C'est l'un des plus importants bidonvilles à l'échelle de la wilaya. Il y a quelques jours seulement, à quelques mètres de ce site, une opération de démolition d'habitations illicites avait été entreprise par les autorités locales encadrées par un impressionnant dispositif de sécurité. Huit familles seulement, recensées en 2007, bénéficieront de logements sociaux dans le cadre des opérations de relogement. Les autres ont été priées de plier bagage et de quitter les lieux. A quelques dizaines de mètres de cette zone, des familles entières avec leurs enfants, jeunes, femmes et personnes âgées épiaient, non sans inquiétude, cette opération de délogement et de démolition des habitations illicites. Longeant le cimetière américain, ces habitations sont devenues une source de problèmes pour les riverains, notamment les gardiens chargés de la sécurité et l'hygiène du site. «Ils se sont plaints de jets récurrents d'ordures, de sacs en plastique et autres détritus. Les étrangers ont vite réagi, ils donnent beaucoup d'importance à leurs morts et nous, qui sommes vivants, sommes ici depuis des années, personne ne s'est soucié de nous», s'insurge Sid Ahmed, un père de famille quinquagénaire, le regard hagard et perdu, les yeux cernés et le visage marqué par autant de misère. Au fur et à mesure que nous nous enfouissons au sein de ce bidonville gigantesque, nous découvrons la misère, la détresse et le désespoir de ces petites gens. De loin, rien ne laisse entrevoir qu'un village de près de deux milliers d'âmes a été édifié à quelques mètres seulement d'un périphérique très emprunté et d'un chemin de fer qui traîne depuis des lustres. Près d'un millier de constructions édifiées en deux années seulement Officiellement, le site abrite 274 habitations précaires et illicites. «Mon fils, moi je vous le dis, ils sont venus, il y a de cela, cinq ou six années et ils nous ont recensés. Ils nous ont dit que nous allions être bientôt relogés. Nous n'étions que 274 familles. Ils ont relogé une dizaine de familles à cause des rails et ils ne sont plus revenus. Jusqu'en 2008 et l'année passée aussi, des agents de la commune et de la daïra sont venus pour voir exactement ce qu'il y avait», nous confie el hadja Kheïra, une sexagénaire bien vive dans ses déplacements et sa gestuelle tout en insistant pour nous montrer son gîte, comme pour nous confier une mission bien délicate, celle de transmettre fidèlement sa misère et son dénuement total. Selon les responsables du comité de quartier, il y a exactement 995 habitations édifiées sur ce site illégal. Le laxisme des responsables locaux aidant, et en l'espace de deux années seulement, le nombre des habitations a quintuplé dans ce bidonville où les animaux côtoient les êtres humains. Les habitations n'ont jamais cessé de proliférer dans cette partie de la ville qui a été scindée en deux. L'une relevant de l'autorité de la daïra d'Es Sénia, l'autre relevant de l'autorité de la daïra d'Oran. Beaucoup de jeunes Oranais, provenant du quartier de haï Dhaya, à quelques centaines de mètres de l'autre côté du périphérique, ont choisi de s'installer dans ce bidonville et d'y construire leurs abris de fortune. Des cubes de parpaing nus d'à peine une dizaine de mètres carrés, d'un mètre et demi de hauteur, couverts de zinc et autres madriers en guise de plafond, édifiés dans l'anarchie totale, collés les uns aux autres à la manière d'un gigantesque labyrinthe exigu et très embourbé. Les ruelles en permanence. Côté sanitaires, c'est la catastrophe. L'amoncellement des ordures, jetées à côté des maisonnettes est visible à des kilomètres. Le ramassage ne se fait pas à cet endroit, car pour la ville, ce site n'existe pas. Un vrai paradoxe. Les fosses septiques creusées débordent et se déversent à même les ruelles et les portes des maisonnettes. «Nos enfants jouent ici toute la journée. Je sais que c'est dangereux, mais que veux-tu que je fasse ? Moi, je sors très tôt travailler et je ne reviens qu'en fin de journée. Au soir, à peine si j'arrive à me reposer, tant il y a beaucoup de travaux à faire dans la maison», nous confie Hamzaoui Houari, un jeune père de famille né à Oran. A la question de savoir pourquoi il a choisi de venir s'installer dans ce coin pourri, il répondra : «Je prends de l'âge et je devais me marier. Je ne pouvais pas rester dans la maison paternelle, parce que moi seul j'avais de la peine à trouver le repos avec mes nombreux frères et sœurs. Nous avons introduit des demandes de logement et j'avais 125 points à l'époque. Mais ils ont abandonné le système des points. Il n'y avait des logements que pour les gens qui venaient d'ailleurs. Nous, on nous avait oubliés.»,