Si les jalons de la lutte régionale contre le terrorisme sont en train d'être mis en place progressivement par les pays du Sahel, en collaboration avec les puissances mondiales, il est impératif de saisir la question de la sécurité du Sahel dans son ensemble et d'élaborer une réponse globale à une problématique dont les éléments qui la composent sont de différentes natures mais s'imbriquent entre eux pour constituer une menace globale. Car si le terrorisme a réussi, vaille que vaille, à s'incruster et à s'implanter dans ce vaste espace qu'est le Sahel, c'est parce qu'il y a trouvé les conditions politiques et socio-économiques qui ont déjà entamé la sécurité de la région. En fait, les terroristes de l'ex-GSPC et d'autres groupes originaires des pays du Sahel se sont rendu compte, dès le début des années 2000, que le Sahel constitue pour eux le refuge idéal aussi bien pour échapper à la traque des forces de sécurité de leurs pays respectifs que pour financer leur sale besogne de déstabilisation et d'insécurité d'une zone de non-Etat et de non-droit. La rébellion des Touareg du Niger et du Mali a laissé des séquelles au sein des populations du Sahel, fragilisées par leur situation socioéconomique, leur exclusion et leur marginalisation de la vie politique, ainsi que par leur mode de vie incompatible avec les frontières des Etats. Cet épisode tragique de la rébellion touareg a été marqué par une forte circulation d'armes de toutes sortes, exacerbée par la proximité de zone de guerres civiles comme la Côte d'Ivoire, la RDC… Mais la région a toujours attiré les trafiquants de tous genres, tant elle était délaissée aussi bien par les puissances coloniales que par les Etats indépendants. La constitution de groupes de trafiquants va de paire avec le trafic d'armes. S'il est compréhensible que les denrées alimentaires et les carburants font l'objet d'un intense trafic dans la région sans risque majeur, en raison de leur non-disponibilité et, partant, de la forte demande des populations sur ces produits, ce sont les drogues et les armes qui ont, entre autres, attiré les groupes terroristes dans l'espace sahélo-saharien qui en est devenu la plaque tournante et la voie de transit. Si les terroristes du GSPC ont décidé de se transformer en Aqmi et de s'en prendre aux ressortissants occidentaux, c'est pour masquer leur implication avérée dans tous les types de trafic, y compris les drogues fortes, et pour donner une dimension politique à leurs activités dans la région et gagner la sympathie et le soutien actif des populations locales laissées pour compte. Ces dernières n'ont souvent pas d'autre choix que de s'adonner à des activités illicites pour subvenir à leurs besoins. L'implication directe ou indirecte de certaines personnes originaires du Sahel dans les actions terroristes constitue un apport inestimable pour les groupes armés qui ont réussi, par ailleurs, à tisser des liens familiaux avec les habitants du Sahel afin de bénéficier de la protection des tribus. C'est à ce titre que la lutte antiterroriste proprement dite ne peut être envisagée par des moyens de guerre classique, encore moins par des armées étrangères à la région, à la culture et aux sociétés sahélo-sahariennes. Si l'Algérie fait de cet aspect un point cardinal de sa politique de lutte antiterroriste, c'est en raison de son expérience dans le domaine, mais surtout pour ne pas transformer des actions criminelles et de grand banditisme en une forme de jihad contre l'invasion de forces étrangères. Manifestement, d'après les déclarations de responsables des grandes puissances occidentales tentées par une intervention directe dans le Sahel, cette éventualité semble être écartées et tout le monde reconnaît que seuls les pays sahélo-sahariens peuvent en venir à bout de l'Aqmi. Les pays du Sahel, notamment la Mauritanie, le Niger, le Mali et l'Algérie, semblent être sur la même longueur d'onde après les mises au point claires faites par l'Algérie quant aux conditions d'une coopération régionale dans la lutte antiterroriste. Parallèlement à l'action des armées et des services de sécurité des pays du Sahel, les autorités politiques centrales et les autorités des localités frontalières des quatre pays sont appelées à réfléchir sérieusement à une stratégie en deux temps. En premier lieu et en urgence, il s'agit de lancer des programmes communs de développement économique et social des zones frontalières afin de créer des opportunités de travail pour les populations locales. En second lieu, il est impératif d'élaborer une stratégie d'intégration régionale qui englobe tout l'espace sahélo-saharien et dont l'objectif stratégique est de mettre un terme aux zones de non-droit. Il s'agit à travers ce projet intégré de rétablir l'autorité des Etats sur tous ces espaces abandonnés aux terroristes et aux trafiquants de toutes sortes et qui constituent un risque sérieux pour la stabilité et la sécurité du Sahel dans son ensemble. A. G.