Photo : S. Zoheir Par Ziad Abdelhadi Les marchés de gros de fruits et légumes ont fait l'objet de nombreuses tentatives de restructuration sans pour autant que toutes les mesures prises aient une incidence positive. Ils ont, en effet, continué à évoluer dans une anarchie totale et une insalubrité des plus alarmantes. Et pour preuve : il est devenu difficile de discerner dans ces lieux le producteur du mandataire ou du détaillant. Toujours au registre des dysfonctionnements qui caractérisent ces espaces, on peut citer l'état de dégradation avancé de la quasi-majorité des marchés de dimension nationale. Et à ce sujet, il est utile de savoir que sur les 42 marchés de gros opérationnels, 3 seulement peuvent être considérés comme répondant aux normes et exigences, il s'agit des marchés de Constantine, Attatba et Mostaganem, lesquels connaissent aussi des insuffisances. Quant aux autres, l'anarchie y est quasi permanente du fait de l'incapacité, non avouée, de leurs gérants à y remédier. Ce constat fait, il devenait donc urgent de reprendre en main ces marchés de gros. D'autant plus que les mandataires activant dans ces espaces n'ont eu de cesse d'interpeller qui de droit par la voie de l'Union générale des commerçants et artisans algériens (UGCAA) afin de trouver une solution rapide à leurs doléances. Une commission représentant les mandataires avait d'ailleurs dressé une liste de suggestions qu'elle a adressée aux autorités concernées pour endiguer le phénomène du marché informel, première cause ayant induit tous les dérapages constatés en matière de prix. Elle avait proposé, en effet, d'instaurer au niveau des marchés de gros un contrôle n'autorisant l'accès qu'aux commerçants ou agriculteurs détenteurs de carte professionnelle. Ce contrôle devra être suivi par l'identification des mandataires vers lesquels se dirigent les acheteurs avec, à la sortie du marché, une seconde vérification concernant, cette fois-ci, les documents d'achat et de vente (facture ou bulletin d'achat). Enfin, le commerçant devra obligatoirement diriger les produits achetés vers le marché de détail qu'il aura désigné pour empêcher tout «détournement» de la marchandise vers des lieux de commerce informel. Ces recommandations ont, certes, été reçues et enregistrées par les services compétents du ministre du Commerce, mais elles n'ont pas connu depuis un début d'exécution. Ce n'est que dernièrement que le gouvernement a réagi pour tenter de faire sortir les marchés de gros de fruits et légumes de l'anarchie dans laquelle ils se trouvent depuis trop longtemps. C'est ainsi qu'un décret exécutif sera produit en 2009 (n°09-182 du 12 mai 2009) pour mettre un peu d'ordre dans ce secteur gangrené par des défaillances criantes (manque d'hygiène et d'entretien, insalubrité, désordre...). Ce texte de loi accordait, par ailleurs, aux responsables des marchés, ne répondant pas aux critères définis par ce décret un délai d'une année pour s'y conformer. Depuis, et après des visites dans plusieurs marchés de gros de fruits et légumes, on peut avancer que les gestionnaires des lieux n'ont pas l'intention de changer quoi que ce soit à la situation actuelle, qu'ils sont soumis à un cahier des charges dont ils doivent respecter les clauses et œuvrer pour assurer aux mandataires et autres acteurs de ces espaces les conditions nécessaires à leur activité. Mais de l'avis de certains mandataires que nous avons rencontrés lors de nos passages, rien n'a changé. En somme, tout ce qui a été décidé par le gouvernement ne s'est manifestement pas traduit sur le terrain. Devant ce constat, que pouvait faire le gouvernement sinon prendre le taureau par les cornes pour en finir une fois pour toutes avec les dysfonctionnements des marchés de gros. Et c'est ce qu'il a fait en décidant récemment, selon un communiqué du ministère du Commerce, la mise en place d'un outil régulateur à travers la création d'un organisme économique pour la prise en charge, la réalisation et la gestion des marchés de gros. «Un outil qui va permettre de mieux prendre en charge la distribution des produits agricoles et les prix», est-il souligné dans le communiqué qui rappelle que cet organisme, dont la création a été retenue en Conseil des ministres au mois de mai dernier, avant sa validation en tant que EPE-SPA par le Conseil des participations de l'Etat le 11 novembre 2010, aura une mission de service public. «Le patrimoine de cette entreprise sera constitué essentiellement avec des capitaux apportés par l'Etat. Elle bénéficiera à ce titre du versement, dans ses actifs, des marchés de gros et autres équipements commerciaux relevant du domaine privé de l'Etat», précise le département de Mustapha Benbada.Le ministère du Commerce fait aussi savoir qu'il est prévu de rattacher à cette EPE-SPA les entreprises publiques gestionnaires des marchés de gros en tant que filiales ou unités. Elle disposera également d'une contribution financière préliminaire de l'Etat et de capacités de refinancement à taux bonifié auprès des banques pour financer son programme national de réalisation des équipements commerciaux, proposé dans le cadre du plan quinquennal 2010-2014, et doter l'Etat d'un outil essentiel pour la régulation en amont des circuit de distribution des produits agricoles. C'est en tout cas un moyen d'organiser les flux physiques des arrivées et sorties des marchandises et de réguler les prix sur le marché national. Pour l'heure, il s'agira de savoir si cet outil de régulation arrivera à assumer sa mission. C'est là toute la question compte tenu du fait de la situation de quasi-monopole des intermédiaires qui pullulent dans le circuit de la commercialisation en gros et détail des produits agricoles.