Photo : S. Zoheir Par Ziad Abdelhadi Il suffit d'arpenter les grands marchés de gros pour se faire une idée de la façon dont sont gérés les marchés de gros de fruits et légumes en activité. Mandataires, livreurs collecteurs, mandataires, détaillants ambulants et charretiers, en somme les acteurs sur les lieux, n'en font qu'à leur tête, oubliant ainsi les mesures d'hygiène réglementaires. Les responsables de ces espaces, complices ou non de cette situation, ne sont intéressés que par les redevances quotidiennes de ceux qui fréquentent cet espace. En clair, percevoir les locations et le droit d'accès. L'état parfois délabré des marchés de gros, notamment dans les grandes villes, pousse à l'inquiétude. De ce fait, le législateur a élaboré d'une loi rendue exécutive par décret et promulguée l'année dernière (décret exécutif n°09-182 du 12 mai 2009) pour mettre un peu d'ordre dans un secteur gangrené par des défaillances criantes (manque d'hygiène et d'entretien, insalubrité…). Faut-il rappeler, par ailleurs, que ce texte de loi relatif à la gestion des lieux et à leur bonne marche, avait accordé aux responsables des marchés, qui ne répondent pas aux critères définis par ce décret, un délai d'une année pour s'y conformer. Toutefois, à l'issue d'une visite effectuée à travers quelque marchés de gros de fruits et légumes, rien n'indique que les gestionnaires de ces espaces ont l'intention de changer quoi que ce soit à la situation qui prévaut au moment où la modernisation des infrastructures du marché de gros et l'identification des multiples intervenants devraient être une priorité pour faire sortir nos marchés de gros du désordre dans lequel ils sont plongés, laissant ainsi la place aux spéculateurs d'agir en toute tranquillité. Un laisser-aller qui explique pourquoi nos marchés des produits agricoles peinent à émerger ou du moins à remplir leur mission. Celle de mettre le produit agricole à la disposition du consommateur au moment où il le faut, dans le respect de la qualité et des prix. Si les deux conditions sont réunies (exploitation rationnelle et spécialisation), on peut alors envisager une sortie de crise, notamment celle de la concurrence sur laquelle est fondé le dynamisme des marchés. Un dynamisme positif qui ne risque pas de sitôt de voir le jour du fait du phénomène du marché informel devenu par le temps maître de lieux. Un constat qui n'échappe plus à personne et encouragé, certes, par le manque de réhabilitation de la fonction de mandataire et de grossiste en fruits et légumes. De nouveaux marchés ont été créés mais sans cette réhabilitation des principaux acteurs des lieux, et, du coup, les mêmes causes ont produit les mêmes effets. Des marchés officiels mais dominés par l'informel. Les solutions existent pour mettre de l'ordre dans les marchés de gros Pour tenter de remettre un peu d'ordre dans ces lieux de négoce en gros, une commission représentant les mandataires a dressé récemment une liste de suggestions aux autorités concernées pour endiguer le phénomène du marché informel, première cause ayant induit tous les dérapages constatés en matière de prix. Elle propose, en effet, d'instaurer au niveau des marchés de gros un contrôle n'autorisant l'accès qu'aux commerçants ou agriculteurs détenteurs d'une carte professionnelle. Ce contrôle devra être suivi de l'identification des mandataires vers lesquels se dirigent les acheteurs avec, à la sortie du marché, une seconde vérification concernant, cette fois-ci, les documents d'achat et de vente (facture ou bulletin d'achat). Enfin, le commerçant devrait obligatoirement diriger les produits achetés vers le marché de détail qu'il aura désigné pour empêcher tout «détournement» de la marchandise vers des lieux de commerce informel. Mais en attendant qu'une telle réglementation soit établie, les mandataires pensent que «le commerce illégal a encore de beaux jours devant lui et la baisse des prix n'est pas pour demain». Sur ce dernier point, des spécialistes en la matière ont souvent rappelé que, même si l'insuffisance de l'offre entraîne des hausses de prix, elle n'est pas la seule cause de la volatilité des prix des produits agricoles. Ils expliquent d'ailleurs dans ce sens que la volatilité des prix en question résulte du fait que le marché des produits agricoles n'est pas entièrement constitué. Ce qui est visible, ce sont les producteurs et les détaillants. Mais entre ces deux extrémités, il y a une série d'opérateurs dont le statut n'est pas toujours lisible. La fonction de gros n'est pas toujours clairement définie. Toujours à propos de la volatilité des prix à la consommation des productions animales et végétales, il faut signaler que nos marchés de gros restent très spéculatifs et très primaires, c'est pourquoi l'instabilité des prix en est l'une des conséquences les plus visibles. Et pour preuve, les barons du marché des produits agricoles et des produits de l'élevage agissent toujours de manière spéculative. En définitive la régulation des marchés de fruits et légumes devient donc plus qu'indispensable pour, d'une part, remédier à la désorganisation de la production et, d'autre part, diminuer les marges commerciales. Il y a donc lieu de réfléchir sérieusement à une instance de régulation et à ses outils pour résoudre la problématique entre l'amont et l'aval, c'est-à-dire depuis les producteurs jusqu'aux consommateurs.