Photo : Riad Par A. Lemili A près de la moitié du parcours du premier championnat de football, des langues se délient pour affirmer d'une manière sibylline que finalement le pays est quand même bien loin du professionnalisme. Mieux, ce sont les présidents parmi les plus importants, voire les plus influents en ce sens qu'ils font et défont depuis des années de la manière la plus folklorique la compétition jusqu'à l'avoir conduite dans une situation qui ne pouvait plus être corrigée que par le… professionnalisme, sauf que. En somme, l'histoire du serpent qui se mord la queue. Le constat initial a été fait une fois le premier trimestre de la compétition bouclé, «rien ou peu de chose» ont donc estimé les présidents de club et dans la foulée de considérer que «l'amateurisme, dans toute sa dimension, continue de caractériser la scène nationale du football» (sic). Belle lucidité dans la déduction lancée par des dirigeants de club qui sont au football ce que pourrait être un joaillier à un travail de bûcheron. Avec le même décor, c'est-à-dire des infrastructures qui n'ont pas changé d'un iota et ne risquaient pas de l'être en l'espace d'un semestre, c'est-à-dire entre la période où a été retenue l'option du professionnalisme et le début du championnat, et encore eût-il fallu que toutes les associations disposent de ces infrastructures. Ensuite vient le casting avec des footballeurs amateurs en juin et professionnels en septembre que seul un miracle divin pouvait transformer en tant que tels. Alors de là à constater une amélioration dans les prestations et le niveau de la compétition, il est un gué que ne franchiront pas allègrement les puristes. Les mêmes présidents d'association parce qu'ils n'ont une perception de la nouvelle configuration de la scène sportive que celle dans laquelle ils se sont souvent engouffrés par effraction, qu'ils ont modelé à leur médiocrité pour certains d'entre eux, n'ont pas encore compris jusque-là la nature du projet et ne faisant même pas la différence entre associations amateurs et société sportive par actions, d'où justement leur forcing à revendiquer l'aide de l'Etat. Autrement dit, l'affectation des subventions publiques habituelles pour laquelle d'ailleurs certains n'arrêtent pas de se crêper le chignon avec les autorités municipales, la wilaya et souvent le président du CA et celui du CSA. Bien sûr, l'ambiguïté du discours des instances sportives nationales, et à leur tête le ministère de la Jeunesse et des Sports, vient en rajouter à la confusion par engagements et promesses interposés très rarement, si ce n'est jamais suivis d'effet. Ces engagements devaient prendre effet à la veille du démarrage de la compétition, celle-ci est à moitié de parcours et se terminera précocement en raison d'autres considérations et il existe très peu de chances qu'ils soient tenus d'ici la fin de la saison. Apparemment, aucun acteur du projet en question ne constitue un repère pour un agencement réglé harmonieusement de la mise en place du professionnalisme et, pour cause, le vide total qui lui fait face, juridique, matériel, financier, mental, moral, sportif, etc. Le statut du professionnalisme ne se construit pas in vitro et encore moins ne se décrète pas par décret pour le simple plaisir de croire que la suite viendra d'elle-même. C'est plus que la simple mentalité sur laquelle tout le monde se rabat parce que ça fait bien et que ça donne aussi l'impression de tout expliquer. Le football professionnel, c'est un état d'esprit mais tout un état d'esprit a des liens multiples, c'est-à-dire sociétal, culturel, moral, sportif, éducatif, qui nécessitent non seulement énormément de temps mais également l'association et/ou la contribution de nombreux pans de la société. A vrai dire, l'échec du football professionnel n'est que la réplique de l'ensemble des échecs enregistrés dans bien d'autres tentatives faites en Algérie, toutes activités confondues. Mais pour rester dans le domaine sportif et plus particulièrement le football, les appréciations de quatre présidents de clubs historiques résument la situation : «Tous les clubs sont dans le flou concernant la mise en œuvre du professionnalisme, car il y a une grande confusion dans l'application des textes. Il faudra des décisions politiques courageuses de la part des pouvoirs publics, car on ne peut pas faire du nouveau avec du vieux», dixit Kerbadj (CRB) tandis que Mohamed Laïb (USMH), moins disert, estimait que «l'amateurisme a encore de beaux jours devant lui… On est en train de revivre le même scénario que les saisons précédentes», et pour Serrar (ESS), «les clubs ne sont professionnels que sur le papier». Medouar (ASO) se veut moins expéditif et plutôt rationnel : «Jusqu'à présent, rien n'a changé par rapport au passé, mais le projet du professionnalisme est en cours de réalisation. Ce n'est pas du jour au lendemain qu'on deviendra professionnel au sens propre du terme. Les gens doivent comprendre que ce nouveau mode de gestion doit bien mûrir avant sa concrétisation et a besoin de temps pour se matérialiser.» Il n'existe pratiquement pas un seul président qui montre un réel désir, voire une conviction à s'investir dans un projet qui semble voué à l'échec, lequel, pourtant, doit être finalisé parce qu'il ne saurait en être autrement. Il faudrait, bien entendu, du temps mais ce ne sont pas les béates satisfactions des présidents des LNF et FAF qui feront prendre des vessies pour des lanternes.