La mobilisation de la rue égyptienne ne faiblit pas. Dans une manifestation des plus majestueuses que le pays ait jamais connue, elle avait réclamé vendredi dernier la démission du gouvernement de Ahmed Chafik qu'elle soupçonne d'avoir encore des passerelles avec l'ancien régime. Les heurts ayant marqué la fin de la manifestation ont été imputés à l'armée. Peu après minuit, la police militaire a encerclé quelques centaines de manifestants et les a dispersées à coups de matraques et d'armes à électrochocs de type Taser, selon un responsable de la sécurité et des témoins. Plusieurs personnes ont été arrêtées, a reconnu l'armée.L'armée, soucieuse de préserver son image de marque, s'est confondue en excuses le lendemain. Les Egyptiens estimaient, jusqu'à hier, que les forces armées ont globalement respecté les engagements pris devant le peuple. «Ce qui s'est passé vendredi soir était le résultat de confrontations non intentionnelles entre la police militaire et les jeunes de la révolution», a déclaré, dans un communiqué, le Conseil suprême des forces armées, qui dirige le pays depuis la chute de M. Moubarak, le 11 février. Le Conseil «n'a pas et ne va pas donner l'ordre d'attaquer la jeunesse, et des mesures vont être prises pour garantir que cela ne se reproduise plus», a-t-il ajouté. Dans un deuxième communiqué, l'armée s'est engagée à «libérer immédiatement tous les jeunes de la révolution du 25 janvier arrêtés vendredi soir place Tahrir», sans en préciser le nombre. Elle est confrontée à un double défi : répondre aux aspirations démocratiques du peuple en premier lieu, ce qui impose la suppression des mécanismes totalitaires mis en place par Moubarak, et remettre l'économie en route, ensuite, notamment mettre fin aux grèves sur les salaires et les conditions de travail. Le comité chargé de proposer des amendements constitutionnels, soumis à référendum, devait rencontrer hier les généraux de l'état-major égyptien. Rappelons que l'armée, qui s'était engagée à empêcher une «contre-révolution», a été confrontée vendredi à des manifestations dans tout le pays, réclamant une modification en profondeur de la Constitution et la démission du Premier ministre. Les protestataires réclament également la formation d'une équipe de technocrates dans l'attente des élections, alors que l'armée a maintenu à leurs postes les ministres de la Défense, de la Justice, de l'Intérieur et des Affaires étrangères, nommés par Moubarak avant son départ. Selon des diplomates occidentaux repris par des médias de leurs pays, le Conseil au pouvoir est réticent à mettre en œuvre des réformes autres que constitutionnelles et souhaite en laisser la responsabilité au prochain gouvernement élu. G. H.