Les violences liées à la répression de l'insurrection en Libye ont fait 6 000 morts, dont 3 000 dans la seule ville de Tripoli. Il risque d'y avoir des milliers d'autres en cas d'intervention militaire étrangère. C'est la menace lancée hier par le dirigeant libyen Mouammar Kadhafi qui a, dans un discours lors d'une cérémonie publique à Tripoli, mis en garde contre une intervention militaire étrangère dans son pays, tout en rejetant de nouveau les appels à quitter le pouvoir. «Des milliers de libyens mourront en cas d'intervention de l'Amérique ou de l'Otan» en Libye, a-t-il lancé à ses partisans. Rappelant que «Kadhafi est un symbole» et que «depuis 1977, moi-même et les officiers qui ont orchestré la révolution de 1969 avons remis le pouvoir au peuple», le leader libyen a affirmé qu'«il n'y a pas de manifestations en Libye, du tout». D'ailleurs, il appelle l'ONU à y envoyer une commission d'enquête. «Nous appelons le monde et l'ONU à envoyer une commission d'enquête en Libye pour élucider les circonstances dans lesquelles des civils et des policiers sont morts. Il n'existe pas de détenus politiques en Libye.» Hier, deux navires de guerre américains approchaient des eaux de la mer Méditerranée alors que la frégate canadienne Charlottetown a quitté le port d'Halifax, en Nouvelle-Ecosse. Elle devrait se trouver au large des côtes libyennes dans six ou sept jours. Elle y rejoindra les deux navires de guerre américains. Jusque-là, aucune intervention militaire en Libye n'a été évoquée mais l'option n'est pas complètement écartée même si de nombreux pays n'y adhèrent pas. La Ligue des Etats arabes, l'Organisation de la conférence islamique (OCI), l'Iran, la Turquie et la France ont fait connaître clairement leur opposition. Mardi soir, le Sénat américain a adopté une résolution symbolique condamnant les violences en Libye et demandant à la communauté internationale d'envisager l'instauration d'une zone d'exclusion aérienne au-dessus de la Libye. Le président de la Commission européenne a déclaré, pour sa part, qu'il était temps que le «guide» libyen, parte. «Je ne quitterai jamais la Libye» a répondu Mouammar Kadhafi, ajoutant : «Nous combattrons jusqu'au dernier homme et la dernière femme.» Mieux, il a prévenu qu'il n'accepterait pas que les rebelles continuent à contrôler des villes du pays. Ses forces ont mené une contre-offensive à Brega dans l'est de la Libye où de violents affrontements auraient fait plus d'une dizaine de morts et lancé des raids sur la région d'Ajdabiya. Face à cette situation de crise, l'opposition libyenne, qui est passée d'un mouvement d'insurrection à un gouvernement parallèle, semble ignorer la voie à prendre pour chasser le colonel Kadhafi du pouvoir. Elle a créé un conseil national indépendant de transition chapeautant les villes tombées entre ses mains, présidé par l'ancien ministre de la Justice. Plusieurs officiers ralliés à la cause anti-Kadhafi évoquent depuis plusieurs jours une marche sur Tripoli mais jusque-là aucune décision n'a été prise. Deux semaines ont passé et l'opposition craint l'enlisement de la contestation, surtout que les tentatives de soulèvement à Tripoli ont été durement réprimées. H. Y.