Photo : M. Hacène De notre correspondant à Béjaïa Kamel Amghar La gestion des communes est souvent critiquée par les citoyens. Les administrés dénoncent pêle-mêle le favoritisme dans l'attribution des aides sociales, la médiocrité des services publics de base, les lourdeurs bureaucratiques dans l'exécution et le suivi des projets de proximité et l'inconséquence des Assemblées populaires dans l'arbitrage des conflits locaux. Les élus, de leur côté, désignent l'administration en pointant du doigt systématiquement le code communal qui les aurait «dépouillés» de leurs prérogatives. Depuis des années déjà, les membres des APC et des APW appellent à une profonde révision de ce texte pour se donner un rôle beaucoup plus important. «La mairie est devenue une simple courroie de transmission. Faute d'une entreprise communale de travaux publics, l'APC passe obligatoirement par le privé dans l'exécution des PCD (programmes communaux de développement). L'influence de ce dernier ne cesse conséquemment de grandir aux dépens des véritables représentants de la population. Les petites enveloppes, attribuées par l'Etat à ce chapitre, suscitent immanquablement des frustrations et des rivalités tribales. Et si un projet sectoriel, échappant totalement au contrôle de la mairie, connaît un retard quelconque, c'est cette dernière qui se trouverait aussi incriminée par les usagers. La logique du système en vigueur fait que l'APC soit un pare-chocs», explique Sadek Akrour, le maire de Barbacha, qui milite pour la relance des régies communales de transport et des entreprises communales de travaux publics afin de donner aux communes les instruments d'un équilibre budgétaire et financier. Notre interlocuteur estime que la mairie devrait être aussi un acteur économique dynamique au service de la collectivité locale. Certains édiles parlent d'autonomie financière et de prérogatives élargies concernant la gestion du foncier. «L'actuel code communal empêche les APC de travailler librement. Les contraintes sont diverses, notamment concernant la gestion du foncier et, par conséquent, il y a une influence négative sur l'implantation des projets économiques. Je citerai des exemples concrets. Un promoteur a sollicité des terrains pour implanter une usine de produits électroniques. L'Assemblée communale a donné un avis favorable pour un choix de terrain mais qui a été rejeté par l'administration. Deuxième exemple : une demande a été formulée pour l'implantation d'un hypermarché qui va employer entre 1 000 et 1 500 personnes. L'assemblée a accepté d'accorder au promoteur un terrain de 6 hectares. Aux dernières nouvelles, l'administration a rejeté cette demande», témoigne Ali Rabhi, le président de l'APC de Souk El Tenine, qui regrette que les APC n'aient aucun pouvoir de décision sur le foncier inclus dans le PDAU de la commune. La décentralisation de la décision est le mot d'ordre de beaucoup d'élus locaux qui trouvent paradoxal que les délibérations de l'APC soient automatiquement soumises à l'appréciation de l'administration (daïra). «Une délibération n'a pas besoin d'être approuvée. C'est tout juste qu'une copie doit être envoyée à l'administration pour information. A charge à cette administration, qui aura à constater une éventuelle infraction à la loi, de saisir le Conseil d'Etat qui annulera la délibération et condamnera ses auteurs, qui sont le maire et son assemblée. C'est la loi qui doit prévaloir et non pas l'appréciation d'un seul homme», ajoute Ali Rabhi qui s'exprime dans les colonnes d'un confrère. Selon nos interlocuteurs, une telle réforme serait de nature à donner au maire sa véritable dimension politique et sa stature d'homme d'Etat. «C'est dans la gouvernance communale que l'homme politique acquiert l'expérience politique et les qualités managériales nécessaires pour occuper des postes plus importants dans la hiérarchie étatique. Faute d'une telle liberté en matière de gouvernance, on constate l'absence de continuité entre la commune et les hautes sphères de l'Etat avec comme résultat le vide qui empreint le champ politique national et l'absence de relève», souligne Hamid Ferhat, le président de l'APW de Béjaïa. Notons, pour conclure, que pas moins de sept communes restent bloquées à ce jour à travers la wilaya de Béjaïa faute de majorité électorale pour désigner l'exécutif municipal. Ni l'administration locale ni les élus concernés n'ont pu trouver un terrain d'entente afin de sortir ces communes d'une crise qui se prolonge depuis trois ans. Ce sont les citoyens de ces localités qui payent naturellement les pots cassés.