Le président français et le Premier ministre anglais veulent intervenir en Libye. Le prétexte sans cesse ressassé est le même que celui invoqué pour la Yougoslavie, la Serbie ou l'Irak : l'exécution de massacres. Toutes les raisons invoquées à ce jour furent mensongères : des armes de destruction massive en Irak aux massacres des Albanais au Kosovo en passant par le charnier de Timisoara en Roumanie ou le meurtre de bébés dans la maternité du Koweït. Toutes jouèrent sur deux facteurs-clés : l'émotion soulevée par l'horreur des images cyniquement fabriquées et l'accusation infamante et paralysante portée aux consciences libres de soutenir des «dictatures» que par ailleurs ces mêmes puissances - singulièrement la France et l'Angleterre pour le cas de la Libye - ont soutenues, cajolées, flattées pour leurs ressources et leur argent. Nous, patriotes algériens, n'échappons pas à cette pression morale et hésitons à exprimer clairement et fermement notre réprobation de ces appels à l'intervention militaire et à l'ingérence tous azimuts. Nous sommes grandement paralysés par l'acceptation à la base de ces notions de démocratie et de dictature comme si elles désignaient naturellement une supériorité civilisationnelle, morale et politique des puissances, hier coloniales et aujourd'hui néocoloniales. Nous devons récuser la base même de leurs concepts et rappeler à Sarkozy que c'est bien la grande démocratie qu'était la France coloniale qui nous a mené une sale guerre de sept ans.Nous devons rejeter ces pressions morales qui entravent notre riposte déterminée à ces menaces d'ingérence sous le couvert fallacieux de la démocratie et de la liberté des peuples qui a montré, en Irak - un million de morts après et qui attendent toujours le TPI - en Afghanistan et en Amérique latine qu'elles ne sont que plus de corruption, plus de morts, plus de soumission et toujours moins de dignité. Nous subissons ces pressions d'autant plus fort que les relais internes de ces puissances impérialistes ont marqué de points essentiels, voire décisifs, dans les médias et la vie politique. Ces relais affichent fièrement leurs rôles et leurs missions convaincus d'une victoire proche et certaine.L'ingérence européenne en Libye, française en particulier, est une menace directe et immédiate sur l'Algérie. Elle a pour but de mener une campagne de reconquête néo-coloniale. Des alliés et des relais internes leur ont grandement facilité les conquêtes coloniales. Des relais et des alliés leur faciliteront la reconquête. Plus que jamais, les patriotes doivent se mobiliser comme ils le peuvent et où ils le peuvent pour afficher leur opposition à l'ingérence impérialiste en Libye. L'intervention en Libye est une menace directe contre notre souveraineté nationale. Elle est une tentative d'annulation des changements en Tunisie et en Egypte. Elle sera en revanche une menace sur la lutte anticoloniale et sur nos indépendances. C'est au peuple libyen de résoudre ses conflits en fonction de ses intérêts nationaux et sans interférences étrangères. Il faut secouer l'hégémonie conceptuelle et politique acquise sur les consciences par la vision impérialiste. Il est temps pour nous de ne plus subir les termes du débat imposé par les dynamiques ultralibérales et de trouver les voies et les moyens de réhabiliter la défense de l'indépendance des peuples et des Etats nationaux face à l'ingérence permanente des puissances coloniales. Il est temps de penser à (re) construire un front (mouvement) patriotique et démocratique (le front anti-impérialiste) disloqué par les offensives réformatrices dans la forme et contre-révolutionnaires dans le fond. Non à l'ingérence politique et à l'agression militaire en Libye. Non au retour du colonialisme au Maghreb. Non au retour des canonnières. Pour un rassemblement des patriotes autour de la défense de l'indépendance et d'un Etat véritablement national et démocratique. M. B.