Photo : Riad Par Karima Mokrani Pourtant, de grandes sommes d'argent ont été dépensées à cet effet, en vain, au fil des ans, à tous les niveaux et dans toutes les wilayas. C'est peut-être une question de mentalité… Mais pas seulement !Des citoyens, de plus en plus nombreux, se plaignent de lenteurs dans la prise en charge de leurs problèmes d'une petite fracture aux interventions chirurgicales les plus lourdes. Parfois même d'un mauvais comportement du corps médical ou paramédical. «Il faut voir comment il nous parle chaque fois que nous l'interrogions sur les crises de larmes de l'enfant. Il dit que c'est parce que nous le gâtions trop ! Ce dernier n'a que 13 ans et il parle de lui comme s'il s'agissait d'un adulte…Nous avons dû changer carrément d'établissement pour nous assurer d'une prise en charge normale du garçon», raconte une femme, la trentaine, au sujet d'un cousin diabétique. Elle affirme être d'autant plus indignée que le même médecin fait montre d'une grande gentillesse quand il reçoit un malade dans son cabinet privé. «C'est du commerce qu'ils font… pas de la médecine», lancera-t-elle. Et un de ses proches de relever que, pour accéder à de bons soins dans un établissement de santé public et dans les meilleurs délais, il faut s'assurer d'abord d'avoir «une connaissance». Ce qui est vrai dans un grand nombre de cas, de l'avis de personnes malades ou du personnel lui-même.Partout dans les établissements de santé, à travers le pays, il y a toujours des lacunes. Ceux du nord, particulièrement dans les grandes villes, sont saturés, surchargés, les capacités d'accueil étant inférieures aux besoins croissants de patients venant de toutes les régions. Dans l'intérieur, on manque encore de moyens aussi bien matériels qu'humains, et ce, malgré les efforts déployés pour pallier la situation. Par ailleurs, dans certaines villes du nord, dont Alger, des établissements bien équipés et mieux organisés restent sous-utilisés. Les citoyens continuent de fréquenter les établissements de grandes villes par manque de confiance dans le personnel médical. Surtout, lorsqu'il s'agit de médecins spécialistes. «Ils pensent que c'est toujours meilleur à Alger». A long terme, ce manque de confiance engendrera des dysfonctionnements, voire de l'anarchie. «Le corps médical et paramédical est soumis à une grande pression. Trop de pression, comme si les souffrances cachées liées au fait de faire face au quotidien à la mort et à la détresse des gens ne suffisent pas,» soutient un infirmier. Et ce dernier d'attirer l'attention sur un autre problème, ce qu'il appellera «les faiseurs de fonction». Ce sont de simples agents qui assurent la fonction d'un paramédical sans avoir bénéficié au préalable d'une formation dans le domaine. «L'hôpital est tellement saturé qu'il fait appel à de simples agents pour assurer le travail de paramédicaux. C'est très dangereux, car ils n'ont pas reçu la formation nécessaire et, donc, ne peuvent faire le travail convenablement.»Mal informé, mal orienté Notre interlocuteur évoque alors un autre problème: l'orientation du malade. «Si les malades étaient bien orientés, nous ne nous serions pas retrouvés avec autant de problèmes». La bonne orientation est à la charge du personnel, de l'agent de sécurité, au paramédical…au médecin traitant. Et ce n'est pas toujours le cas. Un travail à la chaîne qui annihile les efforts et les bonnes volontés. Aux urgences médicales, comme nous avons pu le constater dans un grand nombre d'établissements, tout le travail retombe sur les épaules du résident. Le service entier est à sa charge. «C'est trop pour lui», mais aussi «peu crédible» aux yeux des malades. C'est encore une question de confiance : «ils laissent le service à de jeunes peu expérimentés.» Autre fait, les consultations internes sont limitées dans la journée : de 8h à 14h. Cela pénalise les fonctionnaires qui doivent s'absenter de leur travail. Ceci n'est pas sans conséquences sur la productivité de l'employeur, mais aussi sur les caisses d'assurances sociales qui doivent rembourser les arrêts de travail. Pour en revenir au problème de l'orientation, un paramédical affirme qu'il est temps de passer à une introduction réelle des technologies de l'information et de la communication (TIC) dans le fonctionnement des services. Ceci concernant particulièrement la répartition des médecins spécialistes dans les différents établissements de santé du pays. «Ignorant qu'il y a de bons médecins spécialistes chez eux, des malades font des kilomètres jusqu'à Alger pour retourner ensuite bredouilles. S'ils étaient bien orientés, ils ne se seraient pas fatigués de la sorte.»La santé en Algérie souffre encore de problèmes aussi nombreux que complexes. Des décisions prises à la hâte, sans consultation des personnes intervenant directement dans l'acte médical et la prise en charge de la santé citoyenne, en sont à l'origine. Les promesses des responsables chargés du secteur tardent à se concrétiser sur le terrain. Même la nouvelle carte sanitaire, censée apporter une amélioration certaine de la qualité des soins, suscite des controverses. Les syndicats autonomes du secteur la rejettent et demandent sa révision en profondeur.De nombreux travailleurs de la santé quittent le secteur par dépit, rejoignant des établissements privés ou optant carrément pour l'étranger, si possible. Les mouvements de protestation se répètent et se prolongent… au détriment du malade.Encore une fois, les services du ministère de la Santé doivent se pencher sur ces problèmes avec détermination pour changer une situation décriée par tous. Rappelons pour finir qu'un projet ambitieux devait voir le jour au profit de ce secteur, c'est la contractualisation mais cela fait des années que ses initiateurs en parlent, en vain. Le projet traîne pour des problèmes qui dépassent le secteur, paraît-il. Du moins en apparence.