De notre correspondant à Constantine Nasser Hannachi La ville des Ponts vit au rythme des programmes taillés sur mesure et l'initiative fait cruellement défaut. Chacun rejette sur l'autre ce manque d'idées quand il s'agit d'innover hors du contexte officiel. C'est le discours qui prévaut à Constantine quand on évoque les activités artistiques et que la quasi-inexistence d'une véritable vie culturelle est remise en débat. Les pouvoirs publics sont, ainsi, accusés d'avoir fait main basse sur les actions culturelles, empêchant leur élargissement à d'autres sphères qui ne font pas partie du sérail. S'en défendant, les responsables répondent qu'ils ne demandent qu'à encourager les initiatives, mais rien ne vient de nulle part. Pourtant, connue pour sa dinanderie, son malouf, sa Souika avec ses échoppes qui abritaient tant de métiers artisanaux par le passé, ses habits traditionnels, la ville des Ponts a suffisamment de matériaux pour se construire une vie culturelle foisonnante. Mais, hélas ! elle est en passe de perdre son patrimoine culturel et ses traditions si diversifiées. Constantine s'éloigne peu à peu de son terroir. «Il faut d'abord aimer ces traditions et les porter dans son cœur si l'on veut vraiment les mettre en valeur et les pérenniser», dira un habitant de la cité millénaire. La dinanderie qui occupait par le passé le haut du pavé dans différentes manifestations a cédé devant la concurrence du produit manufacturé et, surtout, devant l'événementiel qui monnaye le temps et l'espace, ne laissant aucune place à cet artisanat de haute facture qui, au contraire, vous demande d'observer un arrêt, de prendre le temps de voir et d'apprécier. Ainsi, les rares dinandiers qui travaillent toujours se démènent comme de beaux diables pour maintenir leur activité à flots et nagent à contre-courant pour rester fidèles à leur métier et aux traditions de leur ville. Et ce n'est pas chose aisée. En effet, en plus des difficultés d'écouler leur production, les artisans doivent souvent faire face au manque, donc à la cherté de la matière première, en dépit des garanties des pouvoirs publics qui ont promis la mise à disponibilité de quantités importantes de matière première à «la hauteur des attentes» des artisans, pour faire de ce métier un pôle attractif propre à cette wilaya. Mais le dernier salon organisé à la nouvelle ville témoigne du peu d'intérêt des habitants à cet art. L'Ecole des arts et des métiers continue de former des promotions de jeunes artisans, mais ça ne fera pas avancer les choses tant qu'on ne fera rien pour «intéresser» le public… il ne suffit pas de développer des discours encourageants et se targuer d'avoir réussi un quelconque défi. La créativité et l'imagination sont nécessaires pour que les manifestations cadrant avec l'identité d'une quelconque ville aient un impact. Autrement dit, il s'agira de présenter des projets caractéristiques sous d'autres reliefs pour intéresser la population. Sans quoi, l'audience continuera de baisser au grand dam du patrimoine matériel et immatériel. Malheureusement, la capitale de l'Est se morfond dans des activités moult fois rabâchées et uniformes. En parallèle, les institutions comme l'office communal demeurent inertes quant à d'éventuelles idées aptes à enrichir la scène culturelle locale. C'est la programmation toute figée qui domine. La diversification culturelle et identitaire semble être mal interprétée par les quelques acteurs locaux et peu d'espace est accordé aux rares initiatives. La mauvaise écoute se conjugue au manque de moyens pour bloquer toutes les aspirations. Cette situation laisse la cité, vieille de 2 500 ans, sans exploration qui reflète son identité.