En art et en création, tout acquis est susceptible d'être capitalisé et thésaurisé quand on sait le parfaire et le transmettre à la postérité qui, si elle le sauvegarde et entreprend de le pérenniser, en fera une richesse patrimoniale et un référent identitaire. Tous les arts, toutes les disciplines artistiques et tous les procédés de fabrication ou de création ont été, à l'origine, le produit d'un créatif, artiste ou maître artisan, qui le révélera à ses enfants, ses disciples ou apprentis, lesquels à leur tour le transmettront à leurs descendants. Et c'est grâce à cette chaîne, de père en fils -expression consacrée exprimant l'héritage culturel par filiation, qu'on a aujourd'hui des produits artistiques et/ou artisanaux reproduisant à l'identique les produits originels dont la création et la fabrication remontent à des siècles, voire des millénaires. Nos luthiers confectionnent des instruments avec les mêmes procédés de fabrication, les mêmes matériaux et les mêmes gestes que le maître il y a des centaines d'années, avec même parfois des imperfections dont la correction est restée le secret de fabrication du maître -les Stradivarius illustrent parfaitement le propos. Idem pour les maîtres des musiques savantes parvenues de l'Andalousie sans avoir jamais été transcrites, les potiers dont les produits ressemblent comme deux gouttes d'eau aux poteries mises au jour au cours de fouilles archéologiques, les dinandiers, les selliers, les orfèvres ou les tapissiers et les tisserands. C'est à de vieux artistes et artisans qui ont vécu leur art comme un sacerdoce et ont pris sur leur temps pour intéresser et former des jeunes qu'on doit une grande partie de notre patrimoine culturel. Que reste-t-il aujourd'hui de tout ce patrimoine ? Quelques anciens qui s'efforcent de subsister et de garder en vie leur art et/ou leurs métiers menacés de disparition. La cherté des matériaux, la concurrence des produits manufacturés et les difficultés, pour ne pas dire les impossibilités, d'écouler leur production les ont poussés peu à peu vers la marge et l'oubli. Ils n'arrivaient plus à intéresser les jeunes, leurs propres enfants parfois, qui ne pouvaient que tourner le dos à un métier incapable de les nourrir. Ateliers et échoppes ont clos leurs portes sans qu'aucun responsable s'en inquiète. Beaucoup sont morts sans avoir transmis leur héritage culturel. Et il aura fallu attendre ces dernières années pour voir les pouvoirs publics se pencher sur cette déperdition du patrimoine algérien et penser aux artisans. Beaucoup a été fait, mais la récolte est maigre et il reste encore du chemin à parcourir et du travail à abattre pour susciter l'intérêt des jeunes pour des métiers qui souffrent encore des problèmes et difficultés ayant provoqué la disparition de quelques-uns d'entre eux. H. G.