à l'approche de l'échéance présidentielle de 2012, le vieux débat sur le culte musulman et l'émigration revient sur le devant la scène politico-médiatique en France. Depuis le début des années 1980, ce dossier sensible est systématiquement instrumentalisé par les partis de droite, à chaque pareille occasion, pour accroître leur capital électoral. Franchement xénophobe, le patron du Front national (FN), Jean-Marie Le Pen, a été le premier à puiser dans ce filon. «Chaque Algérien parti, c'est un emploi vacant. Chaque Algérien mort, c'est un emploi vacant», disait-il en 1984. Mais rares sont les gens qui savent que cet ancien parachutiste, qui s'enorgueillit d'avoir pratiqué la torture durant la guerre d'Algérie, soutenait exactement le contraire en 1958. «La France a besoin de vous… Vous êtes la jeunesse de la nation française…» conseillait-il, alors, aux jeunes gens qui partaient reconstruire la France après sa débâcle durant la Seconde Guerre mondiale. Il faut savoir aussi que ces Algériens-là n'ont pas seulement reconstruit la France, mais ils avaient aussi grandement contribué à l'affranchir de l'occupation nazie. Mobilisés de force, des milliers de colonisés nord-africains ont combattu aux côtés des forces alliées pour libérer le pays de Charles de Gaulle de l'armée allemande et de ses supplétifs locaux qui se recrutaient justement parmi l'extrême droite. On doit peut-être rappeler encore que, durant la Première Guerre, il y eut pareillement beaucoup de «poilus» nord-africains à se sacrifier pour que vive la France. Dans leur course vers le château de l'Elysée, François Mitterrand, Giscard d'Estaing et Jacques Chirac avaient aussi discrètement puisé dans cette caisse à voix, en amplifiant le danger «Le Pen». Mais de tous les chefs d'Etat français, c'est Nicolas Sarkozy qui aura le plus joué sur cette corde sensible, en reprenant à son compte tout les mots d'ordre du FN et bien plus. Dans toutes les déclarations de Sarko et celles de ses proches collaborateurs, l'islam et les Nord-Africains sont désignés comme un fléau qui menacerait l'ordre républicain. Les débats lancés, pour soi-disant penser à la place qui doit être accordée à la seconde religion de France, offrent invariablement l'occasion à l'extrême droite au pouvoir de stigmatiser, de marginaliser et d'intimider davantage cette communauté musulmane à laquelle la France, la vraie, reste à jamais redevable. Les plus fidèles partisans de Sarkozy au sein de cette communauté musulmane crient au scandale et dénoncent cette haine raciale répétitive. Abderrahmane Dahmane, ancien conseiller de Sarkozy, qui vient d'être démis de ses fonctions pour avoir critiqué ce faux débat, recentre la discussion. «La citoyenneté des Français de confession musulmane a été chèrement acquise aussi bien par leur engagement en tant que soldats que par leur participation à la reconstruction de la France après ces conflits armés», dira-t-il en soulignant que l'histoire de la France ne fait pas mention de «tirailleurs hongrois ou roumains», en allusion aux origines hongroises de Sarkozy et roumaines de Jean-François Copé. Mais il est fort probable que les deux «tirailleurs» soient incapables de reconnaître cette vérité fondamentale, même soigneusement consignée dans les manuels d'histoire. K. A.