«Allez plus loin entre vous, car le commerce, qui constitue une dimension essentielle de l'économie, demeure étrangement limité.» La recommandation émane du directeur général de l'Organisation mondiale du commerce (OMC), Pascal Lamy. C'est une partie du message vidéo adressé vendredi dernier aux participants au colloque organisé à Rabat, la capitale du Maroc, sur le thème «Maghreb 2030, partenariat euro-méditerranéen». «Le Maghreb doit aller vers davantage d'intégration», a encore ajouté le DG de l'OMC, qui fait un constat peu reluisant sur les économies maghrébines. «Au Maghreb, ce que les économies ont en commun, c'est leur dépendance du commerce international, qui est vital pour votre région», a-t-il dit à ce sujet. Donc, les pays maghrébins demeurent dépendants de leurs échanges commerciaux avec les autres pays du monde, notamment les Européens et les Américains. En cette ère de crise alimentaire, les besoins des pays du Maghreb en blé, lait et autres denrées alimentaires de première nécessité sont en grande partie satisfaits par les importations. Parallèlement, les échanges entre les cinq pays du Maghreb restent marginaux. Et dire que la création de l'Union du Maghreb arabe remonte à près de vingt ans. Cependant, cette union qui n'a cessé d'alimenter les débats tout au long de ces deux décennies tarde à se déployer, à être débloquée, à défaut d'une volonté politique résolue des cinq Etats membres. C'est dans toutes ces conditions que l'Algérie négocie son adhésion à l'OMC. Ces négociations qui reprendront pour rappel en juin pour un onzième round «se sont accélérées» selon Pascal Lamy. Peut–on conclure donc que l'Algérie a encore fait des concessions sur certains points ? Attendons pour y voir plus clair, notamment avec le cycle de Doha dont la reprise des négociations aura également lieu en juin. Pour ce dossier, Pascal Lamy a estimé que les conditions sont «enfin réunies» afin d'obtenir un accord en juin sur le cycle de Doha, dont le lancement des négociations remonte à 2001. Ces négociations auraient dû être conclues en 2004, mais elles butent, depuis des années, sur l'agriculture. Les pays en développement réclament une réduction des subventions et des barrières douanières agricoles de l'Union européenne (UE) et des Etats-Unis, tandis que les pays riches demandent aux pays émergents d'ouvrir leurs marchés industriels et des services. Où en est-on exactement ? Pascal Lamy affirme, dans un entretien accordé au journal français Libération paru vendredi dernier, que «les conditions politiques et techniques sont enfin réunies sur trois sujets clés : subventions agricoles, droits de douane agricoles et industriels». L'OMC a soumis mardi dernier à ses 152 Etats membres de nouvelles propositions en matière agricole et industrielle. Pour Lamy, «ces textes de négociations révisés illustrent clairement où se situe la convergence entre les membres de l'OMC et où nous avons encore du travail à faire». Mais ces déclarations sont loin d'être rassurantes. Ces propositions sont venues, pour rappel, quelque temps après que les pays en développement eurent dénoncé un déséquilibre dans les dernières versions des textes publiés en février. Selon eux, les demandes d'ouverture de leurs marchés pour les produits industriels des pays riches étaient trop importantes en comparaison des concessions exigées des pays du Nord pour abaisser leurs subventions agricoles. «Les pays d'Afrique subsaharienne ont encore la possibilité d'appliquer des tarifs douaniers de 60 à 80% pour les produits agricoles dans le cadre de l'OMC. Ils appliquent environ 20% en moyenne. Leurs marges de manœuvre existent», a affirmé M. Lamy à Libération. A titre de rappel, le cycle de Doha a démarré en 2001 et l'on s'attend à la conclusion avant la fin de l'année, du moins selon les prévisions de l'OMC, car il risque des chamboulements, déjà que les industriels et agriculteurs européens ont affiché un scepticisme à l'égard des propositions de l'OMC. Ils se sont, en effet, déclarés «très inquiets» des nouveaux textes de négociation qu'ils ont jugé «trop longs». Cet échéancier permettra, selon Business Europe, aux membres récents de l'OMC, comme la Chine, de bénéficier d'un délai qui peut s'étaler jusqu'à 18 ans pour mettre en œuvre les nouvelles baisses de droits de douane. Concernant l'agriculture, la Confédération agricole européenne (Copa-Cogeca) a estimé que «là où ça a changé, c'est encore pire pour le secteur agricole en Europe, surtout pour les produits sensibles», que les Etats pourront mettre à l'abri d'une baisse trop forte des droits de douane. . S. I.