N'étant pas en reste des mouvements sociaux et des revendications portées par d'autres secteurs, la corporation des journalistes, tous segments confondus, est en ébullition. Gagnée elle aussi par l'effet boule de neige, elle veut faire entendre sa voix auprès des pouvoirs publics et de la société. Elle qui a souvent aidé par ses écrits à faire aboutir les revendications des autres, alors qu'elle ne dispose même pas de statut. Depuis des semaines, des assemblées générales s'enchaînent périodiquement autour d'un noyau de journalistes pour réfléchir à une initiative commune devant rendre au journaliste sa «dignité». En somme, un plaidoyer pour l'amélioration de la situation du secteur, à commencer par la revendication d'un statut particulier, la révision du code de l'information actuel et la garantie de l'accès aux sources de l'information, en sus du régime indemnitaire des professionnels des médias. Mais, curieusement, le coup est parti de la presse publique. D'abord, de l'agence de presse APS, du ministre de la Communication, et d'El Moudjahid où des collectifs ont débrayé ou brandi la menace d'y recourir en cas de non-satisfaction de leurs doléances, pécuniaires essentiellement. L'initiative en question a pris le relais.Menée par un comité provisoire qui rassemble des journalistes sans distinction aucune, et loin des dichotomies existantes entre arabophones et francophones, publique et privée, cette initiative s'est fixé pour objectif de mobiliser la profession autour des problèmes dont elle pâtit depuis environ deux décennies, en usant de moyens de persuasion, voire de pression : grève de la plume le 3 mai et rassemblement à la place de la «Liberté de la presse». Aussitôt dit, aussitôt fait. Après deux rassemblements à la maison de la presse Tahar-Djaout, une délégation composée d'une dizaine de journalistes a été même dépêchée pour transmettre à la présidence de la République, au Premier ministère et au ministère de la Communication une plateforme de revendications sociales et professionnelles des journalistes. Un comité de journalistes, de retour d'une entrevue avec le ministre de tutelle, Nacer Mehal, expose ses résultats : ses assises nationales de la presse seront organisées avant l'été, soit vers le mois de juin prochain. Ce n'est là que le premier point d'une plateforme de revendications qui serait sur le point d'être satisfaite, à en croire ces délégués. Le ministre de la Communication, Nacer Mehal, a pris la décision d'élaborer une carte professionnelle nationale de journaliste, qui sera la première décision à concrétiser. A côté d'une série d'autres, l'organisation des assises nationales de concertation autour de la situation du métier de journaliste est à notre sens la plus importante de toutes, eu égard surtout aux objectifs attendus des débats qui devront avoir lieu au sein des ateliers de travail pour plancher sur les différents problèmes et difficultés du secteur d'une manière générale. D'autres engagements ont été donnés à cette occasion : conventions collectives, mise sur pied d'une grille nationale de salaire du journaliste, création et financement d'une caisse des œuvres sociales, accès aux sources de l'information et formation des journalistes en y consacrant 40 milliards de centimes du fonds d'aide à la presse. Il est, certes, loisible de signaler que ces décisions, se prévalant de l'initiative de la corporation, sont favorisées par une conjoncture politique marquée par un vent de libertés qui a soufflé sur presque sur tous les secteurs. Mais aussi, il convient de noter qu'elles sont le fruit de la mobilisation d'une initiative née en dehors des cadres syndicaux reconnus jusque-là. A. R.