Photo : S. Zoheir Par Bahia Aliouche Les mesures prises, le 22 février dernier, en Conseil des ministres, celles destinées à la lutte contre le chômage constituent, depuis, un des sujets phare dans les discussions des jeunes, en particulier les chômeurs. Les espaces de jeunes sont rythmés par des échanges de points de vue et des interrogations sur les mécanismes de création de l'emploi, notamment dans le cadre des dispositifs de l'Agence nationale d'emploi, de jeunes (Ansej). Ce sujet se taille, en effet, la part du lion dans leurs discussions. Les nouveaux diplômés-chômeurs, les jeunes bénéficiaires de travail occasionnel ou temporaire, tous veulent profiter de cette bouffée d'oxygène longtemps attendue et rendue possible depuis la prise par le Conseil des ministres des mesures en question. Qu'il s'agisse de jeunes aux moyens financiers modestes ou de démunis, tous aspirent à lancer leurs propres projets, à savoir des microentreprises. Réda, un jeune de 24 ans ayant près de huit ans d'expérience chez un privé, est convaincu que c'est le moment ou jamais pour lui d'ouvrir son atelier de mécanique auto. L'idée est soutenue par son copain : «Oui, tu as raison il faut battre le fer tant qu'il est chaud !» Pour de plus amples informations sur ces nouvelles mesures, ces futurs jeunes porteurs de projets recourent aux bureaux de l'Ansej. Les obstacles bureaucratiques, la bête noire des jeunes Rencontré à l'antenne de l'Agence de Hussein Dey, Salim, 35 ans avec une dizaine d'années dans la restauration, nous a confié : «Je suis père de famille et je travaille durement sans être déclaré. Mon rêve est d'avoir mon propre petit commerce, mais en l'absence de moyens financiers, ceci n'était pas possible.». Et de poursuivre avec une note d'espoir : «Au vu des allégements des mécanismes de création de microentreprises, mon rêve sera enfin réalisé.» La présence de Salim au bureau de l'Ansej répond à son souci de saisir les différentes étapes à franchir pour ouvrir son petit restaurant. Autre profil rencontré au bureau de l'Ansej : Abdenour, un diplômé en ingéniorat informatique de 37 ans et employé dans une banque privée. «Avec mon profil et ma passion pour l'informatique, je veux avoir ma propre activité économique dans ce domaine», nous a-t-il dit. Et de nous indiquer : «Ma femme et moi comptons choisir l'un des deux dispositifs d'aide à l'emploi, car ma femme est diplômée aussi en informatique est au chômage.» Cependant, nos interlocuteurs, intéressés par le profil de promoteur économique, affichent des appréhensions après la phase du dépôt des dossiers. Des craintes ayant trait aux pratiques bureaucratiques d'étude des dossiers, voire la peur chez bon nombre d'entre eux de ne pouvoir honorer leurs engagements, outre les pénalités qui en découlent. Certains nous ont même déclaré : «J'espère que cette fois-ci, la bureaucratie ne nous freinera pas dans la réalisation de nos projets.»A ce propos, le ministre du Travail, de l'Emploi et de la Sécurité sociale, Tayeb Louh, a insisté sur la transparence, l'équité et la rationalité dans le programme de mise en œuvre des nouvelles mesures relatives à l'emploi. Ceci ne sera possible qu'avec l'installation des commissions d'enquête présidées par des inspecteurs centraux du ministère de tutelle. Ces commissions seront chargées d'enquêter sur les agences réparties sur tout le territoire national. Elles relèveront les manques et les obstacles qui entravent l'application des dernières mesures du Conseil des ministres en matière de prêts octroyés dans le cadre de l'Ansej et de la Cnac. En plus de cela, les commissions enquêteront sur tous les dossiers douteux. Instaurer la confiance entre les banques et les porteurs de projets Cependant, selon un responsable de la Banque du développement local (BDL), la valorisation des dispositifs d'aide à la création de microentreprises doit d'abord commencer par l'établissement de la confiance entre les jeunes et les instances publiques, en l'occurrence les agences d'emploi (Ansej, Angem, Cnac) et les banques publiques. Pour ce faire, il faut que ces instances publiques jouent leur rôle en matière de communication et d'orientation : «Les jeunes doivent comprendre que les nouvelles procédures prises par l'Etat visent, entre autres, l'amélioration de la durée et la qualité de traitement des dossiers», nous a-t-il indiqué. Il a également mis en avant les campagnes d'information et de communication lancées par la BDL pour promouvoir les trois dispositifs d'aide à la création de microentreprises et, par ricochet, la création de postes d'emploi.«Il faut aller au-devant de ces jeunes et s'orienter vers les universités et les centres de formation professionnelle, car il y a des universitaires qui refusent de travailler en tant que salariés et préfèrent entreprendre leurs propres projets. Idem pour les jeunes diplômés de la formation professionnelle qui ambitionnent, quant à eux, de créer leurs propres microentreprises», nous a-t-il expliqué. Selon lui, depuis la mise en place des mesures de valorisation de ces trois dispositifs, le délai de traitement des dossiers a été réduit à près de 50%, tout en tenant à souligner que les banques ne refusent plus les dossiers, depuis la mise en place de ces nouvelles mesures. L'accompagnement des jeunes, tout au long de leur parcours, est plus que nécessaire L'autre facteur constituant un souci pour les jeunes est le non-respect de leurs engagements vis-à-vis des banques.«Après avoir été un chômeur, tout échec de projet lancé me replongerait de nouveau dans les rangs des chômeurs, mais cette fois la situation s'aggraverait, car je deviendrais chômeur endetté», nous a confié un de nos interlocuteurs. Il est important de souligner que, selon des chiffres officiels, le taux de non-remboursement des crédits octroyés est évalué à 23%.A ce propos, plusieurs experts économiques ont averti quant aux risques d'application des nouvelles mesures de lutte contre le chômage sans les accompagner de certaines actions, voire même de mécanismes. Un accompagnement effectif des nouveaux jeunes promoteurs tout au long de leur parcours, dès qu'ils franchissent les seuils de l'Ansej puis les banques jusqu'à l'entrée en vigueur de leur activité. Le délégué général de l'Association des banques et des établissements financiers (Abef), M. Abderrahmane Benkhalfa, a suggéré de mettre en place un «accompagnement actif managérial et commercial», outre le «suivi administratif», en vue de réunir les conditions pour que la microentreprise soit «viable et compétitive». M. Benkhalfa considère également que la mise en place d'un système de contrôle semestriel du recouvrement des créances par filière et par secteur d'activité, assuré par les banques, l'Ansej et la Cnac, est «plus que nécessaire». B. A. Les mesures relatives à la création de microentreprises La réunion du Conseil des ministres du 22 février dernier a arrêté des mesures destinées à la valorisation des dispositifs d'aide à la création d'activités et d'emplois via des microinvestissements.A ce titre, dans le cadre de l'Agence nationale de soutien à l'emploi de jeunes (Ansej) et de la Caisse nationale de chômage (Cnac), des encouragements sont à l'ordre du jour. Il s'agit de la réduction de l'apport personnel au titre du financement de l'investissement, revu à la baisse de 5% à 1% pour les investissements ne dépassant pas 5 millions de dinars, et de 10% à 2% pour les investissements allant jusqu'à 10 millions de dinars. L'autre engagement pris a trait à l'élargissement du seuil maximal de bonification des taux d'intérêts sur le crédit bancaire, à savoir 80% au Nord et 95% pour les régions du Sud et les Hauts-Plateaux pour le secteur du bâtiment, hydraulique (BTPH) et l'industrie de transformation. A cela s'ajoute l'extension des périodes de différés à une année pour le remboursement des intérêts et à 3 ans pour le paiement du principal du crédit bancaire. L'octroi, si nécessaire, d'un crédit supplémentaire sans intérêt de 500 000 de dinars pour la location du local destiné à l'activité, ou pour l'acquisition d'un véhicule aménagé en atelier est possible lorsqu'il s'agit d'une activité professionnelle lancée par les diplômés de la formation professionnelle. L'octroi, aussi si nécessaire, d'un crédit supplémentaire et sans intérêt de 1 million de dinars pour la location d'un espace destiné à servir de cabinet médical, d'architecte, d'avocat ou autre, pour un minimum à deux diplômés, – l'instauration d'une période de trois années durant laquelle la microentreprise évoluera graduellement vers une fiscalisation totale à l'issue de la période d'exonération. Ainsi que la réservation d'un quota de contrats publics locaux aux microentreprises.