Photo : M. Hacène Par Wafia Sifouane Pour la 4ème soirée du festival national du théâtre professionnel, les spectateurs ont pu assister à la chute libre du niveau de la compétition avec la représentation Kaf El Nemr du théâtre régional d'Oum El Bouaghi. Ecrite et mise en scène par Djamel Hamouda, la pièce relate l'invraisemblable histoire d'une grotte habitée par le diable, il s'agit de Kaf El Nemr, un nom qu'elle doit à sa forme qui fait penser à un tigre géant trônant en haut d'une falaise dominant la mer. Vu son emplacement stratégique, le site fera vite l'objet de convoitises de riches promoteurs qui décident de démolir le tigre pour bâtir à sa place un cabaret. El Bahri, comme son l'indique, est un vieux loup de mer, partageant sa vie avec Ouenassa, qui n'arrive pas à avoir d'enfants. Sur fond de chamailles, déchirements et réconciliations qui font le quotidien de la vie de couple, El Bahri, des jumelles collées aux yeux, s'est donné pour mission de veiller sur le tigre. Comme une obsession qui s'empare d'El Bahri, il devient le gardien de Kaf el Nemr. Echitan (Satan), le fils d'Ibliss (le diable) chassé de sa demeure (la grotte) par les riches… ! Ce dernier se réfugie chez El Bahri pour éviter la colère de son père. A l'humour plat et forcé, qui frise le ridicule, s'ajoute le jeu empâté des comédiens pour transformer la pièce en un véritable «sketch», comme la qualifiera un metteur en scène, de mauvaise facture. La pièce a manqué de travail que cela soit au niveau du texte, de la mise en scène ou encore la scénographie. En deux mots comme en mille, c'est un déplorable ratage.Pour le texte, on relèvera son manque de sens et sa légèreté qui aurait pu servir à un sketch de dix minutes. Des interrogations sur le sens de la représentation ont été soulevées par la majorité du public - qui, faut-il le souligner, est constitué de festivaliers, donc de personnes «connaisseuses» - sur l'incapacité de l'auteur de traduire son texte en scènes de théâtre. En plus de l'absence de la théâtralité, certains spectateurs reconnaîtront qu'ils n'étaient pas arrivés à trouver de message dans le texte. Voulait-il mettre en avant la guerre du bien contre le mal ? Si oui, quelle est l'utilité du couple ? Où est le mal ? Est-ce le diable, les humains qui s'entre-tuent, le mari qui martyrise sa femme, la femme qui est prête à tromper son mari, les promoteurs qui détruisent un rocher ? Où est le bien ? Le diable qui veut sauver l'humanité, le mari qui veut sauver un rocher, la femme qui revient vers son mari ? On a du mal à comprendre.On notera également la mauvaise occupation de l'espace. Quant à la scénographie, elle a complètement desservie la pièce dont les spectateurs ont eu du mal comprendre la signification et le (ou les) sens. Cela sans oublier cette image dévalorisante de la femme, présentée comme un sous-être, qui est prête à se jeter même dans les bras du diable en personne et d'habiter avec lui au «telt el khali» (le triangle des Bermudes) pour uniquement avoir des enfants. Totalement ratée, Kaf el Nemr devrait servir d'exemple dans le chapitre «à ne pas faire au théâtre». Elle reflète également la situation précaire dans laquelle est plongé le 4ème art dans certaines institutions publiques où la qualité et la crédibilité de l'œuvre théâtrale sont les derniers soucis des créateurs. En attendant la clôture du festival prévue pour le 7 juin prochain, le public a pour seule consolation l'espoir de pouvoir admirer un véritable théâtre avec les prochaines pièces en compétitions.