Synthèse de Hasna Yacoub La révolte populaire contre le régime de Bachar Al-Assad commence à se fractionner. Hier, les militants pour la démocratie ont dénoncé la réunion publique sans précédent organisée la veille à Damas par des opposants syriens. Une centaine d'opposants ont tenu une réunion publique lundi dernier à Damas, dans un hôtel de la capitale. Les participants ont affirmé leur «soutien au soulèvement populaire pacifique dont l'objectif est de passer à un Etat démocratique, civil et multipartite qui garantit les droits et la liberté de tous les citoyens syriens». Non affiliés à un parti politique, ces intellectuels ont appelé dans le même temps à la fin de la répression sanglante de la contestation et assuré que des réunions similaires se tiendront dans les différentes régions de Syrie. Rejetant toute intervention étrangère en Syrie, le communiqué appelle à «la fin de l'option sécuritaire et au retrait des forces de sécurité des villages et villes», ainsi qu'à la formation d'une «commission d'enquête indépendante sur les assassinats perpétrés contre les manifestants et des éléments de l'armée syrienne». Les militants pour la démocratie ont dénoncé par principe la réunion de Damas, affirmant que «les comités de coordination de la révolution syrienne dénoncent par principe toute réunion ou congrès qui a lieu sous la bannière du régime». Ils remettent même en cause la légitimité de l'action : «Les révolutionnaires doivent prendre des dizaines de mesures de sécurité avant de pouvoir tenir une telle réunion, afin d'échapper à la prison, à la torture ou à l'élimination. Il est donc très naturel que l'on s'interroge sur la légitimité de cette réunion.» «Personne n'aurait dû légitimer le régime aux dépens du sang de nos martyrs», soulignent encore les révolutionnaires syriens qui ont organisé plusieurs manifestations dans la nuit de lundi à hier réclamant la chute du régime. Le chef de l'Observatoire syrien des droits de l'Homme, Rami Abdel-Rahmane, a fait état des milliers de contestataires qui ont défilé, rejetant tout dialogue avec le pouvoir et de nombreuses arrestations. L'avocat des droits de l'Homme, Anouar Bounni, est, lui, plus optimiste. Cette réunion, dit-il, a «réussi à consacrer le droit à se réunir sur le sol de la patrie d'une manière légitime et publique, et celui d'exprimer avec clarté des opinions hostiles au pouvoir sans être arrêté ou intimidé». D'autres y ont vu un signe du «déclin» du régime. A signaler, par ailleurs, que des opposants syriens ont demandé à la Russie de faire pression sur la Syrie afin de faire cesser la répression, lors d'une rencontre à Moscou avec un haut responsable russe, a indiqué hier l'un d'entre eux, Radwan Ziadeh, lors d'une conférence de presse. «La Russie peut recourir à des moyens de pression sur le régime syrien pour lui faire comprendre clairement que ce type de comportement (la répression de l'opposition, ndlr) est inacceptable», a déclaré M. Ziadeh, fondateur du Centre de Damas d'études des droits de l'Homme, qui vit à Washington. M. Ziadeh dirige une délégation d'opposants syriens qui a rencontré hier Mikhaïl Marguelov, l'émissaire du Kremlin pour l'Afrique, et chef du comité des affaires étrangères au Conseil de la fédération (chambre haute du Parlement russe). «La Russie n'a pas d'autres amis en Syrie que le peuple syrien», a déclaré M. Marguelov, appelant à l'arrêt de «toutes les formes de violence» et à des négociations politiques. Le président russe Dmitri Medvedev a estimé, dans un récent entretien, que les promesses de réformes formulées par le président syrien Bachar Al-Assad étaient sincères. 1 342 civils et 343 policiers et soldats ont été tués depuis le début de ce mouvement de contestation, selon le dernier bilan de l'Observatoire syrien des droits de l'Homme.