L'Algérie indépendante a hérité d'une économie coloniale conçue dans le seul intérêt des colons et de la métropole. Si les paysans algériens ont relevé le défi de la production agricole qui a atteint des records dans les premières années de l'indépendance, le secteur industriel était indigent et nécessitait des investissements énormes qui faisaient défaut, un transfert de technologie mythique et un savoir-faire qui n'était qu'entre les mains des coopérants techniques. C'est à partir de ce constat que le discours politique a intégré le principe de l'indépendance économique à travers un processus de nationalisation des banques, des mines et plus tard des hydrocarbures. En parallèle, une politique d'enseignement devant répondre aux besoins de l'Algérie en cadres et en compétences nationales a été élaborée et mise en chantier. La révolution agraire et la révolution industrielle étaient conçues comme les axes stratégiques d'une politique économique devant permettre à l'Algérie de s'émanciper progressivement de la dépendance vis-à-vis des puissances économiques qui imposaient des conditions politiques et sociales à toute coopération économique et technique. Donc, la rente des hydrocarbures devait financer le développement industriel et agricole afin d'atteindre, à l'orée des années quatre-vingt, un taux appréciable qui dépasserait les 50% de l'autosatisfaction en produits industriels et une autosuffisance alimentaire avoisinant les 80% en produits agricoles. Certains analystes estiment que l'échec de cette stratégie est dû aux choix de Boumediène qui tablait sur une industrie industrialisante et une agriculture autogérée sans que les paysans soient propriétaires des terres qu'ils exploitent. Quarante ans plus tard, les résultats semblent donner raison à cette analyse dans la mesure où l'Algérie, en dépit de son potentiel, n'a pas réussi à atteindre les objectifs tracés par cette politique qualifiée de démagogique et de populiste. Cette analyse simpliste ne situe pas l'Algérie et ses options politiques et économiques dans le contexte mondial de l'époque où la bataille faisait rage entre les deux pôles idéologiques qui se partageaient le monde. L'Algérie, à l'image d'autres pays du tiers-monde, s'était positionnée à mi-chemin entre le bloc capitaliste et le bloc socialiste pour, d'une part, éviter une confrontation directe avec l'un ou l'autre des deux pôles et, d'autre part, pour bénéficier du soutien des deux blocs dans son processus d'émancipation sociale et économique. Cependant, le monopole de fait, des technologies, des sciences et du savoir-faire aussi bien par l'Occident que par les pays de l'Est a imposé à l'Algérie une démarche d'industrialisation non industrialisante puisqu'elle restait fortement dépendante des fournisseurs d'usines clés en main vite dépassées par les innovations techniques et technologiques. Quant au secteur agricole qui a été pourtant mécanisé, il a été victime des lobbies d'anciens gros propriétaires terriens nationalisés et de groupes de pression défavorables à la révolution agraire, même si, dans sa mise en œuvre, la réforme agraire n'a pas pris en compte la sociologie de la paysannerie algérienne culturellement attachée à la terre arch et familiale qu'au collectivisme moderne au sens marxiste du terme. Aujourd'hui, l'Algérie est face au même défi que celui posé au lendemain de l'indépendance. L'Algérie se cherche un chemin dans les méandres d'un ordre économique globalisé et où les puissances mondiales imposent la marche à suivre et dictent leurs politiques au pays qui ont raté le train du développement dans les années soixante-dix et quatre-vingt. L'Algérie est toujours un laboratoire de théorie de développement en l'absence d'une stratégie globale et intégrée qui prenne en compte tous les paramètres que nécessitent la réalité nationale et le contexte mondial. A. G.