Le mois de Ramadhan revient cette année, comme d'habitude, avec son lot de privations, de prières, mais aussi d'excès, de gaspillage et d'extravagances.Si les prières - les vraies, pas les fatwas rocambolesques qu'on trouve dans les journaux ou dans les mosquées salafistes - n'ont pas encore commencé, les excès de tous les genres ont déjà pointé leur nez bien avant le jour J. à commencer par le feu que mettent les commerçants aux prix. Une semaine avant le début du mois sacré chez les musulmans, les prix des produits alimentaires les plus prisés ont atteint, comme d'habitude, des niveaux vertigineux. Autrement dit, les commerçants ont fait exactement le contraire de ce qui est censé se faire en ce «chahr errahma (mois de clémence)» transformé en mois de souffrances pour des milliers de familles algériennes qui arrivent déjà difficilement à boucler leurs fins de mois.Cette situation remet au goût du jour un refrain bien connu : les autorités parlent beaucoup de régulation et de contrôle, mais ne font pratiquement rien, se contentant de vœux pieux, destinés à calmer une opinion publique qui ne comprend généralement rien à ce discours. Un discours que la réalité contredit quotidiennement. L'autre excès de ce mois est sans doute le gaspillage constaté chez beaucoup d'Algériens. Entre ceux qui dépensent plus que ce qu'ils gagnent et ceux qui achètent des produits qui finissent dans les poubelles, il y a bien une marge : celle de la modération. Mais de quelle modération peut-on parler lorsque des ménagères préfèrent du pain d'origine inconnue, vendu sur des trottoirs impropres et insalubres, à celui écoulé par le boulanger du coin ? De quelle modération ou rationalité s'agit-il lorsque, dans une incroyable insouciance, des citoyens achètent de la charcuterie (hallal) exposée au soleil toute la journée, sans se poser la question à propos de sa traçabilité ? L'autre «travers» du mois de Ramadhan en Algérie est bien sûr l'incroyable propension à la fatwa. Cette année encore, on va entendre des histoires à faire fuir les plus pieux des lieux de culte. Cela a déjà commencé sur les pages de certains journaux qui passent facilement d'histoires de mœurs des plus horribles aux fatwas les plus rigides et parfois risibles. Il y a quelques années, un imam n'avait pas trouvé mieux que d'«interdire» la zlabia, l'une des sucreries les plus consommées des Algériens. D'autres ont cru bon d'appeler à boycotter la boisson Coca-Cola ou de conseiller aux Algériennes de ne pas épouser un homme qui fume, avant de revenir sur ces «conseils» quelques jours plus tard. Leur argument était simpliste : la cigarette est nocive pour la santé, elle est donc à classer parmi les «péchés».D'autres journaleux en manque d'inspiration vont aussi épiloguer sur les «infidèles qui ne font pas le carême», encourageant ainsi les comportements intolérants des plus primaires. Plus dramatique encore, c'est que nous reparlerons de ces policiers qui s'érigent en objecteurs de conscience contre des citoyens qui, pour des raisons diverses, n'observent pas le jeûne. En fin de compte, les Algériens se sont habitués à un mode ramadhanesque qui devient une marque algérienne déposée. Cela se confirme d'année en année. Bon Ramadhan à tous. A. B.