Photo : Riad Par Fodhil Belloul Lundi dernier, pour la quatrième soirée de la kheïma de solidarité de la Tribune, les regards étaient tournés vers une région qui a donné au paysage culturel et sportif algérien ses plus mémorables talents. Qu'ils furent poètes, de cheikh Mohand oul Houcine à Ben Mohammed en passant par Si Moh, hommes de théâtre, à l'instar du grand Mohya, ou de chanson, en pensant à Cheikh El Hasnaoui dont le souvenir planait comme une ombre sur la soirée, ou encore, ceux qui ont brillé par leur talent de sportif, la Kabylie s'invitait chez nous pour cette quatrième veillée de Ramadhan à la Tribune.Et comme pour marquer le profond lien qui existe entre Alger et cette région - et qui a fait chanter à El Anka une de ses complaintes les plus émouvantes -, les paroles sucrées des qssayed du chaâbi étaient au menu de la première partie de la soirée. Il fallait, donc, avant l'arrivée d'El Hasnaoui Amechtouh, en vedette ce soir-là, être attentif à ce que Mohammed Bentoumi avait à nous faire partager comme paroles de sagesse. Et tant mieux, car l'artiste a pris soin de nous interpréter un chaâbi posé, lourd et méditatif, plus rzinn pour le dire autrement. A ne pas s'y tromper, il y avait dans l'assistance des «dhouwakine» ou «goûteurs». En effet, pendant que Mohammed Bentoumi ouvrait son récital par un «Ya mhal el djoudi» des plus hypnotiques, on pouvait apercevoir dans le public quelques hommes en tenue marine, avec au centre, un des enfants chéris de Hussein Dey, très talentueux et discret interprète de chaâbi, Mohammed Chetouane, qui nous a honnoré de sa présence, en signe d'amitié au vénérable Bentoumi sur scène. Une bonne rasade de chaâbi Ce dernier, toujours dans cette lancée sereine, a interprété d'autres standards de poésie populaire «El horm ya Rsoul Allah» ou encore le célébrissime «Ana el kaoui» immortalisé par Boudjemaâ El Ankis.Vers minuit et comme annoncé, c'est à la Kabyle que l'on rendait hommage ce soir-là. Evidemment, comment évoquer cette région sans parler de son club. Véritable titan du football national et africain, la JSK a, elle aussi, accroché des étoiles dans son Histoire. Et celui qui était à l'honneur lundi dernier a porté en plus les couleurs de la JSK dans les années 1960 et 1970, avec un numéro tout aussi mythique, le numéro 10. El Kolli Driss, puisque c'est de lui qu'il s'agit, a accompagné l'ascension fulgurante du club. Et dont un invité dira avec une certaine exagération, qu'«après lui (El Kolli), il n'y a plus eu de numéro 10». Après avoir exprimé sa joie d'être parmi nous, notre invité d'honneur n'a pas manqué, et comment lui en tenir rigueur, de déplorer l'état des nos institutions sportives, sans doute responsables du manque de reconnaisance dont souffrent nos légendes de football. «Je le dis et je l'assume.» «Voyez, moi je fais 4 heures de route de Tizi Ouzou si on m'appelle, que font-ils eux ?» a-t-il déclaré. Driss El Kolli n'a rien perdu de sa vigueur, et si on lui demande de commenter le football actuel, il répondra avec le ton définitif et décidé des anciens : «Je ne suis plus le football depuis vingt ans.» Et il n'est pas malvenu de profiter de ces soirées pour dénoncer des manquements ou des injustices. Les applaudissements du public aux paroles de Driss El Kolli avaient d'ailleurs de quoi nous conforter dans cette opinion. Après la musique, le sport Minuit trente, la veillée se poursuit. Malgré un vent parfois insistant, les plus téméraires sont restés pour écouter El Hasnaoui Amechtouh. L'artiste n'a pas manqué d'entamer son spectacle en dédiant à Driss El Kolli sa première interprétation «A Echeikh Amokrane», et ce titre, sous les coups de mandole du gaucher, avait en plus d'un signe d'amitié, une autre signification. L'hommage était évident. Et El Hasnaoui Amechtouh a usé avec talent de la comparaison qu'il a toujours connu, et elle n'est sans doute pas des plus désagréables. «Anodjoum ellil maâkoum sahrane» (étoiles nocturnes, je veille à vos côtés), complainte triste et profonde, sur la solitude et l'exil que nos pères, grands-pères ont connus à la moitié du siècle dernier, d'un grand cheikh de la musique kabyle, El Hasnaoui lui-même. Une clôture sur un pas de danse La soirée s'est terminée sur des airs plus dansants, «Ya ezzine sanrouh anezhou essine» a clos le spectacle. Et bien qu'il fût déjà tard, ceux qui sont restés ont sûrement dû prendre leur shour avec des airs de Kabylie dans la tête.Pour jeudi, il y aura Benzidoud Madjid et Mostafa Yenes pour l'animation musicale, quant à l'hommage, il ira cette fois-ci juste à proximité de notre kheïma, chez nos voisins de l'OMR, avec Berroudji Kamel.