Figure emblématique de la culture algérienne Muhend U Yahya dit Mohia a été au centre d'une rencontre mercredi dernier à l'espace des Milles et une news. C'est face à un public nombreux, constitué d'amoureux du 4ème art et surtout de culture amazigh, que cette soirée hommage s'est ouverte avec une invitée de marque, venue évoquer le parcours de cet homme et témoigner des années de travail les ayant réunis. Comédienne ayant joué dans la plupart des pièces de Mohia, parolière et surtout linguiste, Fadma Amazit Hamdichi, qui se surnomme Mucat, est revenu durant sa communication sur son amitié et sa collaboration avec Mohia. Connu pour avoir adapté en kabyle des œuvres théâtrales universelles, Mohia accordait une grande importance au travail d'équipe et cela en tenant des ateliers de traduction réguliers dans région natale. «il était un homme humble et accessible. Ses ateliers étaient ouverts à tout le monde, il y avait des chômeurs, des étudiants. Chaque personne était susceptible de nous apporter un plus durant nos séances de traduction», déclare Mucat, de son nom d'artiste. Mais ce qui est encore plus frappant dans les dires de Mucat, c'est l'incroyable capacité de Mohia à se réapproprier des textes universels. «Mohia a toujours insisté sur la nécessité de se réapproprier notre langue et de l'interroger. il faut interroger les évidences» affirme Mucat, ajoutant «selon Mohia tout est traduisible quand on n'est pas conditionné». Elle qualifiera cependant cet atelier comme «un lieu d'intelligence qui ne disait pas son nom». L'artiste abordera par la suite le thème de la maladie de Mohia qui l'a un peu éloigné de son art. Mais grâce à ses amis, Mohia fera par la suite un retour en force en tentant de traduite les textes grecs comme Œdipe de Sophocle. «Mohia été un perfectionniste et il n'hésitait pas à pousser ses éléments à bout et cela pour faire jaillir le meilleur d'eux même», déclare Mucat. Refusant de se contenter d'une traduction plate, Mohia pensait ses textes en sa langue et adaptait chaque œuvre à son environnement socioculturel. En guise d'anecdote, Mucat relatera à l'assistance sa tentative de traduction de la bande dessinée Asterix en compagnie de Mohia. Pour conclure, Mucat parlera d'un épisode douloureux, celui du décès de Mohia en 2004 après une longue lutte contre le cancer. Nostalgique, elle racontera au public plusieurs anecdotes sur le défunt comme le fameux mot accroché sur la porte d'entrée de l'atelier disant «nul ne rentre ici s'il n'est géomètre», une façon subtile de dire que seuls les gens qui ont le sens de la mesure sont les bienvenus. Elle parlera également de la l'habitude de Mohia de noter et de mettre sur papier chaque mot, chaque idée, «il avait horreur de l'oralité», dira-t-elle.Après cette communication, la petite scène des milles et une news a été cédé à l'un des rares artistes kabyles à chanter les textes de Mohia, à savoir Ali Ideflawen. Guitare à la main, l'artiste a tout simplement charmé l'assistance de par la douceur de ses rythmes et sa voix. Face à un public carrément subjugué, il interprétera entre autre «berouaghïa» de Ferhat Mhenni et «Mohand Aya ghedou», de Mohia. Par ailleurs, c'est avec le 4ème art que la soirée a pris fin et cela avec un monologue, du jeune et talentueux Sami Allam, intitulé «Urgagh mmuthegh» où «j'ai rêvé que j'étais mort», adapté par Mohia de la pièce «le malade imaginaire», de Molière. W. S.