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Le Sahel, ventre mou de la sécurité nationale
La menace d'AQMI nécessite un rôle militaire régional plus actif
Publié dans La Tribune le 10 - 09 - 2011

Pivot d'un ensemble sahélo-maghrébin et cible permanente du terrorisme islamiste à l'intérieur de ses frontières et dans sa profondeur subsaharienne, l'Algérie a des droits mais surtout des devoirs en matière de sécurité régionale. Son étendue géopolitique l'incite, aujourd'hui plus qu'hier, à fonder son concept de sécurité nationale sur une logique de préemption et de prévention et pas uniquement de protection. Ce triptyque implique de sa part un rôle militaire plus accru, c'est-à-dire plus conforme à l'étendue de la menace, à son poids géopolitique et aux souhaits des voisins qui font partie des pays les moins avancés de la planète. Ce rôle, cantonné jusqu'ici à l'échange et à la coordination du renseignement sécuritaire, ainsi qu'à l'assistance militaire au Mali et, à un degré moindre, au Niger et à la Mauritanie, doit dépasser le cadre de développement de synergies et de complémentarités. Le partenariat, portant en priorité sur la formation, le renforcement des capacités militaires, la fourniture d'équipements de surveillance et d'intervention, n'est pas exclusif d'un rôle militaire régional plus étendu, donc plus offensif. Il ne s'agit pas d'expédier des troupes algériennes sur de vastes théâtres d'opération sahéliens, aussi hostiles qu'impossibles à contrôler durablement. Il est plutôt question d'organiser des opérations conjointes avec les armées du champ sahélien. A savoir, notamment, des patrouilles communes régulières, des opérations de chasse conjointes et de recherche de renseignement en profondeur. Seul pays de l'arc insécuritaire sahélien à posséder des moyens de reconnaissance aérienne et électronique, l'Algérie doit aider ses voisins à traquer des groupes hautement mobiles sur de vastes territoires désertiques à cheval entre le Mali, le Niger et la Mauritanie, et tout au long de frontières s'étendant sur 2795 km, sans compter les limites avec la Libye et le Sahara Occidental. L'Algérie est désormais perçue par ses voisins comme un facteur de stabilisation au Sahel. Il est donc attendu d'elle plus qu'elle n'a fait jusqu'à présent, même si son assistance est loin d'être négligeable. Acteur majeur dans la région, elle est déjà l'animateur des instruments multilatéraux de concertation, de coordination et de mutualisation des moyens que sont le CEMOC, le Comité d'état-major conjoint et l'Unité fusion et liaison entre les services de sécurité, basés à Tamanrasset et à Alger. Elle a déjà apporté son aide militaire au Niger, à la Mauritanie et surtout au Mali. Cette aide, dispensée depuis 2009, à consisté à doter les modestes armées de ces trois pays d'équipements militaires divers, de véhicules de transport, d'armes d'assaut, de blindés, de pièces de rechange, de matériels de vision nocturne, de carburant, de tentes, etc. Outre des aides humanitaires diverses, des dotations financières importantes ont été également allouées, notamment 10 millions de dollars au Mali, au mois d'avril dernier. C'est déjà appréciable mais cette aide est appelée à se développer. Elle doit d'autant plus s'accroitre qu'il serait question de remplacer l'aide libyenne traditionnelle et de suppléer aux défaillances réelles de grands pays occidentaux comme les Etats Unis ou la France, dont la présence sur le terrain et la manifestation de l'intérêt stratégique ne se sont pas toujours traduites par des aides financières et militaires conséquentes. Il en est ainsi, par exemple, de la France, récemment invitée par le Niger à assurer la sécurité active des régions uranifères sous contrôle et exploitation du géant nucléaire Areva. Localement, qu'il s'agisse des sites d'Arlit ou d'Imouraren, l'exploitant français a confié la sécurité des sites aux faibles police et forces armées nigériennes, soit moins de 400 hommes auxquels s'ajoutent des vigiles désarmés. Même si Areva aide l'armée nigérienne en lui fournissant des véhicules ou des postes radio, elle ne s'appuie pas fondamentalement sur les forces nigériennes, sous-équipées, en moindre nombre et peu formées pour une mission de sécurisation optimale de sites stratégiques. D'ailleurs l'opérateur nucléaire public français est assisté dans ce cadre par la société privée française Epée, dirigée en 2010 par le colonel Jacques Hogard, un ancien du COS, le Commandement des opérations spéciales. Après les tentatives de prise d'otage en 2008 et 2009 et l'enlèvement d'un géologue de réputation internationale, l'Elysée a décidé la mise en place d'un plan d'aide militaire aux pays du Sahel, comprenant notamment l'envoi d'un détachement d'hommes du COS, prioritairement en Mauritanie pour y former des GSI, des groupes spéciaux d'intervention. L'idée est d'élargir cette formation aux armées malienne et nigérienne. L'armée américaine, qui dispose pour sa part du droit de survol du territoire algérien et notamment de la possibilité d'utiliser des pistes d'atterrissage ou d'envol dans le grand sud algérien, ne possède pas de bases dans la région comme pouvait
le suggérer l'existence de l'Africom, le commandement pour l'Afrique, toujours basé en Allemagne. Il faut dire que la fameuse initiative militaire Pan Sahel (PSI) n'a été dotée en 2004, lors de son lancement, que d'un modeste budget de 6,5 millions USD.
Par ailleurs, Niamey et Bamako, déjà demandeurs de couverture aérienne et d'appuis ponctuels aux opérations de leurs armées respectives, ont, à l'instar des autres pays concernés du Champ subsaharien, proposé en 2010 la création d'une force et d'un commandement aériens communs. Cette flotte mutuelle serait composée d'avions de recherche et de surveillance, d'aéronefs de combat et d'hélicoptères. De tous ces pays, l'Algérie est la seule à en posséder en nombre suffisant, en qualité technologique et en capacités opérationnelles. L'armée algérienne possède en outre des appareils de reconnaissance aérienne sans pilotes, mis en service en 2009 après acquisition en Afrique du Sud, en Chine, et probablement en Allemagne. Grâce à ces moyens avancés, les forces aériennes algériennes ont mis en place un système de surveillance permanente des frontières sahéliennes à partir de bases de lancement secrètes dans les régions de Tamanrasset et d'Adrar. De nuit comme de jour, ces drones, appuyés par d'autres aéronefs de type Clearstream américains ou de fabrication russe ou ukrainienne, surveillent les lieux d'infiltration et d'exfiltration des terroristes, le transit d'armes et les mouvements de trafiquants en tout genre. Bon gré mal gré, l'Algérie, qui s'honore de respecter scrupuleusement les principes de bon voisinage, de non-ingérence dans les affaires intérieures de ses voisins et de respecter leurs frontières héritées de la colonisation, est condamnée tenir son rang de première puissance de l'ensemble sahélo-maghrébin. Elle est appelée à jouer un rôle géopolitique mieux adapté à la nature des menaces régionales et du devoir de solidarité accrue avec l'ensemble des pays du Champ sahélien. Ces voisins, qui n'ont pas ses moyens financiers, humains et militaires, surtout des unités spéciales en mesure d'effectuer des raids sur la base de renseignements précis, le souhaitent. Ils sont demandeurs, entre autres, d'opérations militaires conjointes et d'assistance militaire permanente. Une aide développée dans un cadre à la fois bilatéral et multilatéral bien plus large que les instruments de coopération actuels. Sa stabilité est à ce prix car le Sahel est le ventre mou de la sécurité nationale.
N. K.


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