Photo : S. Zoheir De notre correspondant à Tizi Ouzou Malik Boumati Depuis l'opération de grande envergure lancée en mai dernier, par les services de la police contre le commerce informel qui a squatté les trottoirs et les chaussées de la ville de Tizi Ouzou, peu de vendeurs à la sauvette y ont maintenu leur activité. On n'y trouve que certains malades chroniques et des sourds-muets dont la présence discrète sur les trottoirs de la ville est tolérée par les pouvoirs publics. L'on se souvient qu'en ces endroits, des vendeurs proposaient des CD, des DVD et des DVX de toutes sortes. Des supports gravés frauduleusement et exposés sur les trottoirs de la ville des Genêts au prix unique de cent dinars que les amateurs de films et de musique apprécient particulièrement.Mais le préjudice de ces pratiques sur les professionnels du secteur est considérable si bien que certains d'entre eux, notamment les éditeurs, se sont lancés dans des activités illégales pour pallier les pertes subies du fait du phénomène de l'informel. En somme, tomber dans l'informel pour amortir les effets de l'informel. C'est ce qui s'est passé quand des commerçants ont décidé de rejoindre avec leur marchandise les trabendistes qui squattaient pendant des années les trottoirs de Tizi Ouzou, avant l'opération de mai dernier qui a mis fin à l'anarchie. Et les plus lésés ce sont bien les éditeurs qui paient les droits de commercialisation des albums et des films. Ces derniers se retrouvent incapables de rentabiliser leur action tant les ventes formelles sont insignifiantes devant l'activité informelle.Un éditeur de «petite envergure» interrogé sur le sujet va jusqu'à dire qu'il est content d'être un «tout petit éditeur» qui «ne prend pas trop de risque dans un marché qui manque terriblement de visibilité». Pour lui, ce sont les grands éditeurs qui perdent beaucoup à cause du marché informel, parce que «de par leur envergure, ils attirent les grands artistes qui sont, eux, les meilleures cibles des fraudeurs».Des jeunes se sont, en effet, offert des graveurs de CD et de DVD capables de copier plusieurs de ces supports numériques à la fois pour les mettre sur le marché local. Une activité lucrative puisque ces fraudeurs «nouvelle génération» ont jusqu'à 50% de bénéfice dans leur activité informelle qui se passe de loyer, taxes, impôts ou charges quelconques. «Pour faire face à la concurrence déloyale du marché informel, certains éditeurs se sont vu obligés de trouver des moyens de contourner la réglementation», dit notre interlocuteur qui précise que malgré l'offensive de la police contre le commerce informel depuis mai dernier, les fraudeurs et les revendeurs continuent à sévir, même si c'est de façon plus discrète.Les éditeurs ne sont pas les seuls à souffrir du commerce informel qui touche les supports de musique et de films. Les revendeurs légaux dénoncent également un manque à gagner important. Pour l'un d'entre eux exerçant au centre-ville de Tizi Ouzou, «les disquaires proposent les CD, les DVD et les DVX à des prix naturellement plus élevés que ceux proposés par les trabendistes sur les trottoirs de la ville qui achètent moins cher et qui ne paient aucune charge». Les citoyens, notamment les amateurs de musique et de films, déjà malmenés par un pouvoir d'achat en perpétuelle dégringolade, préfèrent s'approvisionner chez les vendeurs informels à 100 dinars le support, au lieu de payer 120 ou 150 dinars chez les disquaires. «Il est clair que cet état de fait est compréhensible de la part des clients, mais cela perturbe irrémédiablement le marché, et pénalise non seulement les disquaires mais aussi les éditeurs et les artistes», ajoute encore notre jeune interlocuteur qui rappelle que certains artistes sont aussi pénalisés par le commerce informel, selon les contrats qui les lient à leurs éditeurs. Beaucoup d'artistes, particulièrement les jeunes, sont rémunérés selon le nombre de disques vendus légalement. Et si la vente légale est concurrencée de façon déloyale par le commerce informel, la part de l'artiste ne peut que se réduire comme une peau de chagrin, dans la mesure où une grande partie de ses disques sera écoulée par les vendeurs illégaux qui ne répercutent évidemment pas leurs ventes sur celles des éditeurs.