Pendant une quinzaine de jours, des enseignants contractuels, exclus de la décision de titularisation, ont tenu des sit-in devant l'annexe du ministère de l'Education nationale, à Hussein Dey (Alger), sans être inquiétés par les forces de sécurité. Certains y passaient même la nuit pour attirer l'attention, peut être aussi la sympathie. Dimanche dernier, la situation a viré au cauchemar après que trois enseignants, dont deux femmes, ont essayé de mettre fin à leurs jours, en s'allongeant sur la route. Celle-ci est empruntée par de nombreux véhicules. Un automobiliste met au défi les suicidaires: «Ils veulent mourir? Ce sera chose faite!». Allant donc au secours de leurs camarades, les enseignants protestataires se sont regroupés au milieu de la route. Ils sont en train de bloquer la circulation sans s'en rendre compte. Ce n'était pas prévu, la situation a évolué de manière spontanée.L'intervention des forces de l'ordre ne s'est pas faite attendre, rapide et violente, pour disperser la foule de plus en plus excitée. S'en sont suivis alors de violents affrontements entre les deux parties, faisant des blessés parmi les manifestants. Certains ont été transférés à l'hôpital, d'autres étaient sous le choc.Depuis 17 jours, plus de 200 enseignants contractuels se rassemblent devant l'annexe du ministère de l'Education nationale, en guise de protestation contre la non application du décret présidentiel du 28 mars dernier, stipulant leur intégration. A leur grand désarroi, seuls les licenciés ouvrent droit à la titularisation et seulement ceux diplômés dans la spécialité qu'ils enseignent. Soit un total de 18 000 titularisation parmi les enseignants contractuels.Le ministre de l'Education nationale, Boubekeur Benbouzid, avait annoncé récemment un chiffre de 26 000 enseignants régularisés. «C'est vrai qu'ils visaient un ensemble de 26 000 mais seulement 18 000 contractuels. Les autres sont des diplômés des écoles ENS, ou ont été reçus au concours national de recrutement organisé l'année dernière. Les responsables du ministère avaient pourtant assuré, l'année dernière, que nous avons la priorité…ils n'ont pas tenu leur engagement» se plaint une enseignante parmi les manifestants. Elle enseignait les maths dans un CEM et est ingénieur en statistiques et probabilités, diplômée de l'université de Bab Ezzouar (Alger). Sa demande d'intégration a été refusée sous prétexte qu'elle n'est pas licenciée en maths. Un argument qu'elle trouve absurde et pas du tout convaincant.Une autre est contractuelle depuis 8 ans. Elle enseignait dans le primaire et elle a une licence en Gestion économie. Elle aussi a vu sa demande de régularisation rejetée pour la même cause: «Ils me disent que ma place est au lycée ou au CEM…Pourquoi ils ne me l'accordent pas alors ?».Une autre est dans le secteur depuis 15 ans. DES en biochimie, elle enseigne le français dans le primaire. La réponse de la tutelle est la même: «votre place est au lycée ou au CEM…mais elle il n'y en a pas pour le moment». Concours de recrutement fin octobreLes enseignants en colère parlent de manœuvres inacceptables de la part du ministère de l'Education qui, parallèlement à son refus de titulariser ces enseignants, s'apprête à lancer un concours national de recrutement dans les trois paliers (primaire, moyen et secondaire), fin octobre prochain. C'est surtout pour combler le déficit énorme existant actuellement. «A Boumerdès, il y a un manque de 69 enseignants de maths pour le moyen et 48 pour le secondaire. A Alger-est, il y a un manque de 69 profs de maths dans les lycées». L'enseignement de mathématiques pose un sérieux problème et la tutelle gère à sa manière pour remédier à la situation. Elle élimine les plus expérimentés sous prétexte qu'ils n'ont pas de diplôme en la matière. Elle ramène d'autres qui ont le diplôme mais pas d'expérience.Pire, depuis la rentrée, les postes de ces enseignants contractuels exclus sont restés vacants. Pas d'enseignants pour assurer les cours: «Nos postes sont vacants». En attendant le recrutement de nouveaux enseignants, les enfants restent sans cours, avec tout ce que cela va induire comme retard sur les programmes. Interrogés sur ce problème, le directeur des Ressources humaines au ministère de l'Education nationale, Mohammed Boukhetta, ancien syndicaliste et ancien porte-parole du Conseil des lycées d'Alger (CLA), affirme qu'il ne peut rien pour ces enseignants. Il leur propose des postes administratifs, la décision ne peut être prise au niveau du seul département de l'Education: «elle concerne tous les ministères. Nous demandons aux enseignants (exclus) de patienter». Quant aux postes vacants: «Nous allons demander des heures supplémentaires aux enseignants nommés». Une corvée de plus, après les activités périscolaires dont le concept et l'application demeurent flous. K. M.