De notre envoyé spécial à Paris (France) : Lyes Menacer «Octobre 1961… il m'avait laissé à l'âge de 25 ans, avec quatre enfants. Cela fait cinquante ans que je n'ai pas arrêté. (…) il en a mangé ce fleuve. Il a pris des Hommes. Il a mangé des hommes et laissé des orphelins… ». Ce sont les propos d'une femme, la veuve d'un ouvrier algérien qui avait été froidement jeté dans la Seine lors des manifestations du 17 Octobre 61. Ils sont extraits du film documentaire de Yasmina Adi « Ici, on noie les algériens», qui a été projeté en avant-première au Maghreb des films 2011, dans la soirée du mardi passé. La réalisatrice est partie à la recherche de ceux qui, à cette époque, avaient subi, durant des jours pour ne pas dire des semaines, les pires sévices de la part de policiers français. Ce film a été projeté après la fiction d'Alain Tasma, le réalisateur français qui a réussi à reproduire les tragiques évènements d'Octobre avec force détails. «Nuit noire», d'Alain Tasma, est remonté jusqu'au début Septembre 1961 pour mieux éclairer le téléspectateur sur les tenants et les aboutissants de la manifestation du 17 Octobre. Ce film est d'un réalisme poignant. S'y ajoute aussi l'admirable jeu des acteurs, notamment de celui qui a tenu le rôle du tristement célèbre préfet de police parisienne Maurice Papon, dont les crimes demeurent jusqu'à aujourd'hui totalement impunis. Au début de l'après-midi, en guise d'introduction à cet hommage, les organisateurs du Maghreb des films ont projeté «17 octobre 61 : Dissimulation d'un massacre», réalisé par Daniel Kuperstein et sorti en 2001, à l'occasion de la commémoration du quarantième anniversaire du massacre d'Octobre, au cours duquel plus de deux cents Algériens avaient été jetés dans la Seine et environ 15 000 autres arrêtés, torturés avant d'être libérés ou expulsés vers l'Algérie. Ce documentaire s'est intéressé en fait à l'occultation de ces tragiques évènements par le pouvoir colonial de l'époque, à tel point que peu de Français en ont entendu parler. Car aucun manuel scolaire ne fait référence à cette date, qui restera gravée dans la mémoire de ces immigrés algériens qui avaient refusé le couvre-feu imposé par Maurice Papon aux musulmans originaires d'Algérie. Dix ans avant ce film, Mehdi Lallaoui et Agnès Denis avaient tenté d'apporter des réponses à des questions qui étaient restées en suspens, dans un film documentaire, «Le silence du fleuve», de 52 minutes. Ce film a été produit par Au nom de la mémoire, une association présidée par Mehdi Lallaoui et qui a produit aussi de nombreux autres films et livres consacrés à la mémoire du 17 Octobre 61, et organisé une exposition de bandes dessinées de dix-sept artistes algériens et français. Ces derniers avaient réalisé cette exposition en 2001 pour marquer le quarantième anniversaire du 17 Octobre 61.Le très attendu film-documentaire «Octobre à Paris», a été diffusé en fin de soirée. Le public était fort nombreux à venir assister à cette avant-première d'un film qui a attendu cinquante ans avant sa diffusion. Frappé d'interdiction entre 1961 et 1973, le film de Jacques Panijel (mort en 2010) sort enfin en salles à partir du 19 octobre 2011. D'une durée de 70 minutes, le film contient des images inédites et il est accompagné d'une préface de Mehdi Lallaoui, «A propos d'octobre (2011)», dans laquelle il a fait intervenir le journaliste et ami de Panijel, Daniel Mermett, l'historien Jean-Luc Einaudi et son collègue Gilles Mançeron, la célèbre avocate Nicole Rein et le réalisateur anticolonialiste René Vautier, qui a observé en 1973 une grève de la faim durant 31 jour spour protester contre le refus du comité de censure de lui délivrer le permis d'exploitation d'Octobre à Paris. À noter enfin que d'autres séances et projections de films consacrés aux évènements d'Octobre 61 sont au menu du Maghreb des films qui s'achèvera le 26 du mois en cours.