Après des mois de silence, le directeur général de l'Agence internationale de l'énergie atomique quitte son bureau viennois avec un rapport fracassant sous le bras. Son contenu ? Il énumère une liste de documents provenant de pays tiers et évoquant une «possible dimension militaire» du programme nucléaire iranien. En d'autres termes, les mollahs n'ont pas suspendu leurs activités liées à l'atome. Ils auraient même installé de nouvelles cascades de centrifugeuses malgré la dernière proposition «rafraîchie» faite par le groupe des «5+1». Le régime d'Ahmadinejad regrette l'attitude de Mohamed El Baradei et menace de revoir sa coopération avec ses services. Les mollahs sont-ils déçus par un quelconque manque de professionnalisme chez le prix Nobel de la paix ? C'est le moment choisi par celui-ci pour rendre son rapport public qu'ils regretteraient le plus. Et il est vrai que les conclusions de l'AIEA tombent plutôt mal pour la République islamique d'Iran. Par la voix de son ancien négociateur en chef, Ali Larijani, elle a accusé le docteur El Baradei de «collusion» avec les grandes puissances. Il leur aurait prêté le flanc dans un contexte bien précis. Au moment où les Iraniens sont tous montés au charbon pour éviter de se faire piégés par la campagne d'isolement dont ils font l'objet. Bien que contraignantes, ce ne sont pas les trois résolutions du Conseil de sécurité qui semblent leur faire le plus peur. Leur crainte est liée à d'autres jeux diplomatiques que les Occidentaux ont récemment remportés sur le fil du rasoir. L'élection du président libanais, le général Sleïmane, et la possible reconduction du Premier ministre Fouad Siniora -les deux hommes incarnant stabilité et réformisme- seraient deux coups durs pour les mollahs d'Iran. Eux qui appréhendent que leurs appétits hégémonistes dans tout le Moyen-Orient soient contrés par des régimes sunnites, fidèles alliés de l'Occident. Ce schéma incluant aussi bien l'Egypte, l'Arabie saoudite que d'autres en voie de «démocratisation». L'entrée du Hezbollah libanais dans le gouvernement d'unité nationale, les armes en bandoulière et le droit de veto en poche, ne serait-elle pas si avantageuse aux yeux de Ali Khamenei et de ses compagnons de lutte anti-occidentale ? Déroutante tout au plus. Puisqu'il y a d'autres raisons pour lesquelles le régime de Téhéran peut montrer des signes de «panique». Bien que son allié syrien ait donné sa parole de ne pas lâcher son grand frère chiite, la reprise des discussions sur un futur accord de paix avec Israël n'est pas de bon augure. Si son Golan lui est restitué en sa totalité, le régime de Damas serait forcément amené à respecter ses engagements envers la communauté internationale. Sinon, accepter les conditions posées par cette dernière, tourner le dos au Hamas palestinien et couper les liens avec l'Iran voisin. Toutefois, les mollahs garderaient une marge de manœuvre, les pourparlers syro-israéliens s'annoncent longs et laborieux. Faudrait-il d'abord qu'ils aient lieu à la date prévue, Ehud Olmert subissant des pressions de toutes parts pour qu'il quitte le pouvoir. Seuls le financement de ses campagnes électorales et ses vacances de luxe seraient à l'origine de ces pressions redoublées ? Il se serait trop aventuré sur le chemin de la paix dont les faucons d'Israël ne veulent pas tant que la menace iranienne n'a pas été définitivement écartée. Les mollahs d'Iran profiteront-ils de cet éventuel changement à la tête du gouvernement de Tel-Aviv pour desserrer la cravate occidentale qui leur serre le cou ? On verra bien si Mohamed El Baradei continuera de publier des rapports accablants contre les mollahs si demain des radicaux, fervents supporters des guerres préventives, venaient à se saisir du pouvoir à Tel-Aviv et à Washington. A. D.