Un énième attentat kamikaze a fait, hier, une cinquantaine de morts et plus d'une centaine de blessés parmi les pèlerins chiites à Bassorah (450 km au sud de Bagdad), ont rapporté les médias. Des sources hospitalières, de l'hôpital Sadr de Bassora, ont fourni un premier bilan qui était d'une vingtaine de morts et une quarantaine de blessés, quelques minutes seulement après cet ignoble attentat. Les victimes se rendaient à la commémoration du deuil de l'Arbaïn (une fête chiite). L'attaque a été commise au moment de la distribution de la nourriture. Le kamikaze avait en fait profité de ce moment de détente pour déclencher sa charge explosive, dissimulée dans une ceinture. Ce n'est pas la première fois que des pèlerins chiites sont victimes de ces attaques, qui font craindre le déclenchement d'une guerre confessionnelle à grande échelle dans tout le pays. Il y a dix jours, une série d'attaques contre des quartiers majoritairement chiites, à Bagdad, ont fait près d'une cinquantaine de morts et au moins 68 blessés. La fin de la présence en masse de l'armée américaine en Irak a encouragé les groupes extrémistes sunnites à poursuivre leurs attaques contre la communauté chiite, qui vit majoritairement dans le sud-est du pays. Les autorités irakiennes dénoncent, à chaque fois, des tentatives de plonger le pays dans une guerre confessionnelle. À Nassiriya, une autre ville irakienne, des pèlerins chiites avaient été victimes des mêmes attaques kamikazes, qui ont coûté la vie à une dizaine de personnes, sans compter les blessés, suite à l'explosion de deux voitures piégées. Ces pèlerins se rendaient aussi à la ville de Kerbala pour la célébration de l'Arbaïn. Derrière les violences confessionnelles en Irak, il y a un vrai problème politique entre chiites et sunnites, même si les chefs des deux communautés veulent ignorer cette réalité. Certains analystes affirment d'ailleurs que les récentes violences, y compris celles d'hier, ont un lien très étroit avec les luttes politiques au sommet de l'Etat. Les méthodes, jugées autoritaires, du Premier ministre chiite Nouri al-Maliki, avaient en fait provoqué la colère du bloc parlementaire Irakiya, qui a bénéficié du soutien de la communauté sunnite. Le lancement d'un mandat d'arrêt pour complot, à l'encontre du vice-président sunnite Tarek Al-Hachemi, actuellement au Kurdistan irakien (nord du pays), a aggravé davantage la situation et a fait monter les tensions à Bagdad. Plusieurs responsables politiques irakiens avaient appelé indirectement les Etats-Unis à maintenir ses soldats (en Irak) pour quelques années supplémentaires en raison du risque d'une recrudescence des violences confessionnelles. Mais le gouvernement irakien avait estimé que Washington pouvait se retirer du pays, au plus tard à la fin de 2011. Aujourd'hui, les Irakiens doivent faire face, seuls, à cette guerre confessionnelle qui peut toujours cesser si les politiques se décident à un meilleur partage des rôles dans la gestion des affaires d'un Irak complètement ravagé par la guerre d'invasion américaine en 2003. Parce que, dans le cas contraire, l'ancienne civilisation de Babylone sera inévitablement condamnée à une division à la soudanaise. L. M.