La Tribune : Pouvez-vous nous livrer un aperçu sur le projet «Nouvelles solidarités et co-développement en Algérie»? Mohamed Khandriche : En 2009, l'Association nationale de volontariat (ANV) Touiza (Algérie) en partenariat avec Touiza Solidarité (France) a mis en place le projet de développement économique durable dans la région de Boghni, wilaya de Tizi Ouzou. L'objectif étant de renforcer les dynamiques d'échange entre migrants issus de la diaspora algérienne et les organisations de la société civile des régions dont ils sont originaires. Il visait, également, la création de micro-entreprises notamment grâce à l'apport des membres de la communauté algérienne résidant en France. Cofinancée par l'Initiative conjointe pour la migration et le développement (Icmd) des Nations unies et de l'Union européenne, la première partie du projet en question a duré 22 mois et s'est achevée en mai 2011. La deuxième partie qui concerne le barrage de Taksebt est en cours de réalisation. Elle est cofinancée par les autorités françaises et leurs homologues algériennes.
Quelles sont les actions menées dans le cadre de ce projet ? Nous avons lancé des formations ainsi que des missions d'appui. En effet, 12 experts, dont 4 membres de la communauté algérienne de France, ont réalisé des missions d'appui dans diverses filières, entre autres l'oléiculture, l'urbanisme, l'informatique, la médecine, l'élevage et l'apiculture.Ces formations visaient à redynamiser l'économie rurale et à valoriser les potentialités du territoire. Nous avons, également, lancé deux formations sur la gestion et le montage de projet de développement solidaire en Algérie. Ces formations ont renforcé les capacités de 23 membres associatifs de la communauté algérienne à Marseille et à Lyon. Trois autres formations sur la création et la gestion d'une activité génératrice de revenus ont été lancées. Et ce, au profit de 71 micro-entrepreneurs dans le cadre des prêts destinés à financer de petits équipements. A ces actions s'ajoute la tenue, en mai 2011, d'un séminaire sur le tourisme solidaire à Tizi Ouzou. Ont pris part à ce séminaire 159 personnes dont une représentante du ministère du Tourisme et de l'Artisanat.
Qu'en est-il de l'impact de ce projet sur le développement économique de la wilaya de Tizi Ouzou ? Le projet Nouvelles solidarités et co-développement en Algérie a eu un impact positif sur l'économie de la wilaya de Tizi Ouzou. En effet, 51 micro-entrepreneurs ont été sélectionnés pour bénéficier d'un prêt à la création de leur activité dans les domaines de l'agriculture, l'artisanat et les services. Sept porteurs de projet ont reçu, en 2011, des prêts allant de 200 000 à 300 000 DA. Il est prévu que les 50 autres créent leurs micro-entreprises au courant de l'année 2012. En outre, l'Association Au nom de la mémoire, la société Mémoire vives productions et Touiza Solidarité ont organisé, en 2011, en partenariat avec le réalisateur Mehdi Lalaoui, des séances de projection du documentaire Des algériens à Marseille. Financé par la Fondation Anna Lindh, ce documentaire avait pour objectif de valoriser le rôle de passerelle des migrants dans la promotion d'une culture de paix, de reconnaissance mutuelle et de coexistence au sein de la Cité. Il a eu un impact très fort sur les personnes ayant participé aux projections-débats.
Quelles sont les difficultés rencontrées dans la mise en œuvre du projet ? Je signale, d'abord, que le lancement du projet en question a été retardé de cinq mois. Je pense, aussi, que par rapport aux besoins socio-économiques de la wilaya de Tizi Ouzou, le montant accordé (200 000 euros) par l'Initiative conjointe pour la migration et le développement des Nations unies et de l'Union européenne est insignifiant.
Ne pensez-vous pas que l'action engagée par l'Icmd est limitée dans la mesure où elle ne concerne que certaines régions ? Certes, cette initiative est limitée, mais elle est aussi qualitative. Pour tirer profit de l'apport économique de l'immigration, l'Algérie devrait s'inspirer de ce modèle. Elle devrait, également, créer une structure permettant d'assurer la coordination entre la diaspora algérienne, la société civile et les pouvoirs publics.
Des experts jettent un doute quant à l'impact positif des transferts de fonds sur le pays. Qu'en dites-vous ? Non, je pense que l'impact des transferts de fonds sur l'économie du pays est positif. Ces transferts sont estimés à plus de 3 milliards d'euros par an, soit plus que la valeur des exportations algériennes hors hydrocarbures. Ces transferts de fonds sont investis dans, entre autres le secteur du bâtiment, permettant ainsi de créer de l'emploi.
La grande partie des transferts de fonds emprunte, toutefois, des circuits informels… En faisant une recherche, dans les années 1990, sur l'immigration, j'ai interrogé des chefs d'entreprises sur le circuit emprunté pour transférer leurs devises. La plupart d'entre eux ont déclaré avoir recouru au change parallèle, en raison des lourdeurs constatées au niveau des banques. Ces chefs d'entreprises ont, aussi, déclaré avoir gagné une marge de 25%, en empruntant des circuits informels, leur permettant ainsi d'acquérir de la matière première. Devant la lourdeur des procédures bancaires et en l'absence de structures spécialisées dans la collecte des fonds des émigrés, les circuits informels continuent d'être empruntés par les émigrés.
Selon vous, que faut-il faire pour encourager l'immigration de retour ? Je vous informe que j'étais, durant l'année 1972, le responsable de la réinsertion des immigrés dans leur pays d'origine. En connaissance de cause, je pense que la réinsertion est un phénomène beaucoup plus complexe que la simple volonté politique. De ce fait, il est, aujourd'hui, souhaitable de renforcer les dynamiques d'échange entre les compétences algériennes résidant à l'étranger et leurs homologues algériennes. Il est aussi impératif d'encourager les immigrés à créer des micro- entreprises en Algérie et de développer davantage le tourisme pour accueillir 6,7 millions d'immigrés que compte l'Algérie.