Plus de 70 pays se sont réunis à Istanbul dans le cadre de la conférence des «Amis de la Syrie». Burhan Ghalioun, chef du Conseil national syrien (CNS), principale coalition de l'opposition, a beau presser les participants d'armer les rebelles, l'heure n'est pas à l'enthousiasme. L'option militaire semble de plus en plus délaissée. L'intervention étrangère, longtemps à l'ordre du jour, est (pour l'heure ?) écartée par les Etats-Unis et de nombreux pays arabes et occidentaux. Seulement défendue par le Qatar et l'Arabie saoudite dont le chef de la diplomatie Saoud al-Fayçal a déclaré qu'«armer l'opposition était un devoir». Les divisions et la fragmentation notable de l'opposition sont en faveur du régime. Ce dernier, fort de l'appui de l'armée et d'une partie de la population, poursuit sa logique sécuritaire tout en disant accepter toutes les initiatives pour régler la crise. Depuis le début la tragédie syrienne, l'opposition,notamment extérieure, s'est enfermée dans une position d'intransigeance qui s'est avérée contre-productive fermant la porte à toutes les tentatives d'ouvertures du régime. Est-ce que le CNS aura de nouveau la volonté de se mettre autour de la table, même à distance ? L'opposition au régime est tellement frontale que la situation a du mal à évoluer vers le dialogue. Le schéma «Bachar dégage, après on discutera» semble avoir atteint ses limites. Face au surplace de la diplomatie, le pouvoir a annoncé qu'il avait gagné la partie après un an de révolte. «La bataille pour faire tomber l'Etat en Syrie est terminée une fois pour toutes», a affirmé le porte-parole du ministère des Affaires étrangères, Jihad Makdessi, prévenant que l'armée ne se retirerait des zones résidentielles qu'après «le rétablissement de la sécurité et la paix civile». Pour certains spécialistes, les protagonistes devraient «se débarrasser du dossier syrien en le donnant à Annan pour trouver une solution». Depuis l'éclatement de la crise, le régime syrien a toujours résisté face à la pression. Le cas syrien semble ainsi échapper aux variations vécues dans d'autres endroits du monde arabe. Bachar al-Assad continue de résister n'hésitant pas à déployer chars, artillerie et troupes d'élite pour «remettre de l'ordre». La sévérité de la répression, qui aurait fait plus de 8 000 morts selon l'ONU, a déclenché la condamnation des Occidentaux et certains pays arabes ont appelé Assad à se retirer du pouvoir. Cependant, Assad a inversé les pronostics de ceux qui annonçaient comme imminente la chute du régime. Les combattants rebelles ont réussi en janvier à contrôler Homs, troisième ville du pays. Mais les forces gouvernementales ont ensuite repris la situation. Un an après, le président Assad, parvenu au pouvoir après la mort de son père il y a douze ans, est toujours là alors que ses opposants ont annoncé pendant des mois l'imminence de son départ. Le CNS a certes gagné la reconnaissance occidentale mais ne semble pas avoir beaucoup d'influence en Syrie, notamment auprès des manifestants ou des insurgés de l'Armée syrienne libre. Le CNS a enregistré un nouveau revers avec la démission de trois de ses figures de proue, dont Haitham al-Maleh, un vétéran de l'opposition syrienne, qui a exprimé des doutes sur la transparence du conseil. Les insurgés de l'Armée syrienne libre sont également divisés et combattent sous commandement local, sans lien avec leur siège, basé en Turquie. L'option de l'intervention militaire occidentale semble être pour l'heure abandonnée. Les Occidentaux donnaient l'air de plus vouloir en découdre avec le régime que de venir en aide au peuple. Pour les spécialistes de la Syrie, seuls trois éléments majeurs pourraient concourir à la déstabilisation du régime en place. «Un écroulement de l'économie, un coup d'Etat ou une vague de défections au plus haut niveau de l'armée ou de l'élite entrepreneuriale, la perte de contrôle de Damas et d'Alep, les deux principales villes du pays.» Ce qui est loin d'être le cas aujourd'hui sur le terrain. Sur le plan interne, Bachar al-Assad bénéficie toujours du soutien de la majorité de la communauté alaouite. Les autres minorités, chrétienne et druze notamment, hésitent à s'aventurer dans l'inconnu en ralliant le mouvement de protestation emmené par la majorité sunnite. De plus, une solution à la crise syrienne devra forcément impliquer le président en place, même si cette solution devait passer par une période de transition. Sur le plan diplomatique, le verrou imposé par Moscou et Pékin tient le coup plus que jamais. M. B.