A vingt-quatre heures du scrutin du 10 mai, Alger ne change pas de visage. À part les panneaux d'affichage et les affiches des candidats qui défigurent les artères de la ville, rien, ou presque, n'indique que le pays connaîtra demain un scrutin que d'aucuns qualifient d'«important», à commencer par le chef de l'Etat lui-même. Situé au Boulevard Zighout-Youcef, à proximité du siège de la wilaya, le siège du PLJ (Parti de la liberté et de la justice) ne connaît pas d'affluence particulière. Comme dans les quartiers alentours, les bureaux du parti, que préside Bélaïd Mohand-Saïd, sont calmes. A peine si quelques militants et responsables fréquentent les lieux et discutent des derniers préparatifs d'avant le scrutin.Assis derrière son bureau, Djamel Benziadi, candidat sur la liste du parti à Alger, a l'air décontracté. Pourtant, les infos qui lui parviennent ne sont pas aussi bonnes qu'il le souhaite. Aimable, ce professeur d'économie, un fidèle parmi les fidèles du chef du PLJ, nous accueille, malgré le caractère inopiné de la visite. «Vous pouvez voir vous-même les dépassements», a-t-il indiqué en référence à l'affichage sauvage. Comme beaucoup de partis politiques, il a mis en cause l'usage de «l'argent sale» dans cette campagne électorale. Une «remarque» que partage le candidat tête de liste, Mostefa Hemissi, arrivé entre temps. Ce journaliste, chargé de communication au PLJ, se dit inquiet de la situation politique du pays. «L'argent domine tout», dit-il. Nos deux interlocuteurs ont cité l'exemple de jeunes venus «remplir une salle», lors d'un meeting d'un parti islamiste à Alger. «Les jeunes nous ont indiqué qu'ils ont reçu 1 200 DA et un sandwich, chacun, en contrepartie d'une présence dans la salle», disent-ils. L'accusation est grave, mais cela corrobore beaucoup d'autres témoignages. Mais, malheureusement, «l'Etat est totalement absent», témoigne Hemissi. Pis, les deux interlocuteurs ont cité le cas d'un bulletin de leur parti sorti à Relizane : «Nous avons porté plainte», diront-ils. Le document en question existe bel et bien. Nous le retrouverons chez Moussa Touati. Le président du FNA, dont les bureaux sont situés dans la populaire rue de Tanger, nous a montré un exemplaire de ce bulletin «officiel» qui porte effectivement le sigle et la liste du PLJ à Relizane. Pour lui, «le wali a sorti ce bulletin pour faire diversion. En réalité, cela a pour but de faire sortir les bulletins du FLN et du RND», accuse le chef du parti, qui nous reçoit dans son bureau. Plus accablant, et parfois pessimiste, Moussa Touati déclare, sans ambages, que «malheureusement, nous avons raté le virage cette fois-ci». Selon lui, le pouvoir a «déjà préparé la fraude». Puisque, selon notre interlocuteur, «le pouvoir s'est déjà assuré de 20% de participation avec le double vote des militaires». L'accusation est grave. Mais Touati persiste. Et il donne ses arguments. «Le ministère de l'Intérieur ne veut pas nous donner le fichier électoral national», dit-il. Une affirmation qui confirme les déclarations des observateurs de l'Union européenne. Touati n'en reste pas là. Il accuse l'administration d'avoir «gonflé le prix d'achat des urnes transparentes». «L'administration a passé un contrat de gré à gré, sans rendre publics les prix d'achat, que nous trouvons supérieurs à ceux du marché». Ce qui fait dire à Touati que «cela fait 50 ans qu'ils gouvernent. Il est temps qu'il partent». Dans ces conditions, pourquoi participer à des élections jugées pliées d'avance ? Touati considère que «ce n'est pas en boycottant qu'on change les choses. Bien au contraire. Cela ne sert qu'à laisser la place à ceux qui sont déjà en place». En dehors du bureau de Touati, que nous quittons vers midi, il n'y a pratiquement personne. Seul un militant est chargé de faxer une instruction interne aux bureaux régionaux. Pour le reste, au FNA comme au PLJ, on préfère attendre le lendemain du scrutin. Dans les rues de la ville, les citoyens sont branchés. Mais ailleurs. Le soleil printanier qui éclaire la capitale incite les gens à sortir pour se promener. «C'est la démission totale !», résume Mostefa Hemissi du PLJ. Pour le reste, verdict le 11 mai au matin. A. B.