Photo : S. Zoheïr Par Karima Mokrani «Tab Djenanek ya Abbès, dégage!». Les psychologues et les praticiens de la santé publique ne mâchent pas leurs mots à l'adresse du ministre de tutelle, Djamel Ould Abbès. Ils veulent son départ et ils le disent clairement. Ils le crient très fort, devant les caméras des photographes et des chaînes de télévision, qui retrouvent l'ambiance des manifestations bruyantes des médecins résidents (l'année 2010-2011) et celles du Conseil des lycées d'Alger (CLA), sous la houlette du défunt syndicaliste Redouane Osmane, en 2003. Les blouses blanches reprennent la formule du président Bouteflika «Tab Djenanek», prononcée dans son discours à Sétif, pour dire la fin d'un règne. Un autre mot «Dégage», utilisé par des centaines de milliers de personnes dans le monde arabe, pour dire leur rejet du pouvoir en place. Le ministre Ould Abbès est persona non grata. C'est de sa faute ! Il a fermé ses portes aux syndicats du secteur et les a considérés de haut, quand ils l'ont interpellé sur leurs revendications. De même que sur la situation de plus en plus déplorable dans les établissements de santé à travers le pays. Récemment, il a menacé de rendre publiques les fiches de paye des médecins, pour les discréditer devant une opinion publique favorable à leur cause. Ainsi, répondant à l'appel de l'Intersyndicale de la santé, regroupant quatre syndicats autonomes, près de 500 praticiens et praticiens de la santé publique, ainsi que des psychologues et des enseignants en paramédical se sont rassemblés, hier, devant le siège du département ministériel, pour crier leur colère contre l'homme qui était censé porter leurs doléances. «Y en a marre des promesses, Ould Abbès dégage!» «Monsieur le ministre de la Santé, la santé est mal en point. Elle est malade. Assumez vos responsabilités et partez. Nous faisons notre travail, faites le vôtre», criaient encore les manifestants, vraisemblablement décidés à en découdre, une bonne fois pour toutes, avec la personne de Djamel Ould Abbès.«Au lieu de s'occuper de la mission pour laquelle il a été nommé en tant que premier responsable du secteur de la Santé, il se rabaisse, en utilisant un langage pour le moins indécent à l'égard des médecins en grève. Il menace de nous dénoncer !!! Qu'avons-nous fait pour être dénoncé ? Avons-nous volé ? Avons-nous tué ? Nous n'avons rien fait d'autre que revendiquer nos droits. Nos revendications sont justes et légitimes. Et c'est pour cela que nous n'allons pas nous taire, quels que soient les moyens de répression utilisés contre nous» affirme le Dr Mohamed Yousfi, président du Syndicat national des praticiens spécialistes de la santé publique (SNPSSP), en grève depuis plusieurs jours. «Dommage qu'un ministre de la République se rabaisse ainsi. C'est déplorable» poursuit-il, réitérant son appel pour un face-à-face télévisé. Pas du tout tendre avec le ministre et affichant une détermination sans faille à poursuivre la protestation jusqu'à la satisfaction totale des droits légitimes des travailleurs en grève, le président du Syndicat algérien des psychologues (SAP), Khaled Kedad dose l'ironie pour réussir le mouvement contestataire. «Nous vous remercions de venir veiller sur notre sécurité», a-t-il dit à l'adresse des policiers, arrivés au lieu du rassemblement. Manière de dire le déploiement en force des forces de sécurité pour réprimer un mouvement pacifique. «Nous attendons pour voir ce qui va sortir de ce Parlement, pour lequel tout le monde a voté», allusion au taux élevé d'abstention. Et d'autres exemples encore.Les quatre syndicats ne comptent pas lâcher prise. Après la réussite de leur mouvement hier, ils pensent déjà à un autre et à d'autres. Leur objectif : se débarrasser d'un ministre qui fait la sourde oreille à leur appel à sauver le secteur de la santé publique en Algérie.