On a beau enfouir les réalités, elles reviennent toujours à la surface. C'est ce que s'est efforcé de faire le journaliste et écrivain français, Pierre Péan, dans son ouvrage intitulé Main basse sur Alger. Tout le long de ses 280 pages, l'ouvrage livre une enquête sur des vérités de l'occupation française concernant le pillage dont la régence d'Alger a été la victime dès juillet 1830 et que la France, d'hier et d'aujourd'hui, refuse de reconnaître. L'auteur projette son lecteur dans des temps passés, lui fait emprunter les coulisses de l'histoire et en fait le témoin d'une effroyable conspiration pensée et montée contre Alger, le dey Hussein, alors régent du protectorat pour le compte de la Grande Porte, et toute l'Algérie. S'appuyant sur des documents authentiques, M. Péan mettra au grand jour les vrais visages et les intentions de Charles X qui cherchait coûte que coûte à spolier des trésors pour renflouer les caisses du colonisateur. Les faits de cette mise à sac remonte au mois d'août 1830. Pénélope et Poséidon, deux navires de l'armada des 357 bâtiments de guerre chargés par le général de Bourmont, qui exerçait en temps que ministre de la Guerre de Charles X, accostent à Nice. A bord des deux bateaux en provenance d'Alger deux grands coffres. Le contenu de ces coffres a tout l'air d'être de l'or. Mais quand ça se saura, un début de scandale pointe du nez. On apprend que les deux bricks, partis d'Alger sous pavillon français, sont arrivés en France battant pavillon russe, une manœuvre machiavélique pour échapper à la douane française tenue, semble-t-il, à l'écart de l'opération de pillage. La nouvelle circule et retient l'attention des grands responsables. Très vite, une enquête est ouverte. Mais tout aussi vite, elle sera classée, grâce aux relations et aux complicités au plus haut niveau dont bénéficient les pilleurs qui ne sont rien de moins que des officiers de l'armée française. Mais l'auteur, loin d'être convaincu, se met à la poursuite de la vérité, se retrouvant souvent face à des certitudes troublantes et avec des documents qui parlent d'eux-mêmes. Aussi, Pierre Péan consacre dans son livre une grande partie à l'incident de l'éventail donné par le dey Hussein au consul de France Duval, un incident diplomatique venu au moment opportun pour la France qui l'exploitera comme le casus belli recherché pour envahir l'Algérie et «laver l'affront fait à son représentant». Le coup d'éventail était du pain béni pour Charles X qui devait faire face aux difficultés économiques que traversait son royaume. Mais il était difficile pour ce roi avide de pouvoir de dévoiler à son peuple que lui, qui prêchait la chrétienté, n'avait pour première motivation en attaquant Alger que de faire main basse sur les trésors de la régence d'Alger et s'approprier tout l'or qu'il trouvera dans la ville, aussi bien dans les caisses publiques que privées. Pierre Péan accompagnera son œuvre de différents documents fort intéressants dont des copies de lettres rédigées par le dey Hussein à l'intention de la France. Dans ces missives, le dey se plaignait du comportement du consul Duval. Ces «bouts de papier», ces quelques documents et ce bout de voile levé révèlent des vérités sur les visées réelles de la colonisation française, des objectifs bassement matériels, de pillage, de piraterie, de razzia, infâmes, dont la France ne peut qu'avoir honte. Avec une vision parallèle de l'histoire, et en présentant des documents accablants, Pierre Péan réécrit l'histoire de l'Algérie et pointe du doigt la France, des responsables politiques et militaires, des personnalités et des familles auxquels a profité le trésor volé de la régence d'Alger. W. S.