Au cours d'une visite d'inspection dans la région, en 2006, l'ancien ministre de la Santé, de la Population et de la Réforme hospitalière, Amar Tou, avait qualifié la situation de son secteur à Béjaïa de catastrophique. «Le système de santé de la wilaya de Béjaïa est l'un des plus mauvais du pays», avait-il constaté. «Il y a à Béjaïa un désordre multiforme, qui résulte d'une absence totale de management», avait-il diagnostiqué. La situation n'a pas beaucoup évolué depuis, malgré les instructions d'urgence formulées à l'occasion, pour y mettre un peu d'ordre. En 2010, au terme d'un sondage qui a duré trois mois, le bureau local de la Ligue algérienne pour la défense des droits de l'Homme (Laddh) débouche sur la même conclusion : «Le secteur est sinistré». Le rapport de la Ligue dénonçait fermement «la gestion archaïque et catastrophique de ce secteur vital» et interpelait les autorités, pour «mettre fin à ce marasme, afin d'assurer un service correct aux populations». Aujourd'hui encore, les patients souffrent énormément. Laisser-aller, manque de praticiens spécialisés, pénuries répétitives de médicaments et de consommables, équipements souvent inopérants et capacité de prise en charge insuffisante, les malades se retrouvent automatiquement orientés vers les cliniques et les laboratoires privés, qui poussent comme des champignons aux portes même des hôpitaux publics. Pour la moindre analyse médicale, ou pour un anodin contrôle aux rayons X ou au scanner, le patient ne peut pas se passer des services de ces boïtes privées pour payer chèrement des prestations élémentaires. Beaucoup de monde, à Béjaïa, soupçonne ouvertement une connivence d'intérêts entre ces privés et les responsables des établissements publics. La situation est curieusement la même dans les cinq secteurs sanitaires de la wilaya. Que cela soit au chef-lieu de wilaya, à Kherrata, à Sidi Aïch, à Akbou, ou à Amizour, les patriciens du secteur public et les citoyens se plaignent toujours du manque flagrant de moyens affectés au secteur. Illustration : Sur les 105 professeurs dont a bénéficié le CHU Khalil- Amrane, seuls 28, dont 7 récemment affectés, exercent leurs fonctions. Résultats : Les évacuations sur les CHU de Tizi Ouzou, Sétif et Alger se font toujours plus nombreuses. Des cas graves et urgents se retrouvent souvent obligés d'attendre des rendez-vous allongés, au risque de compliquer davantage leur situation. Deuxième exemple, le seul centre d'oncologie implanté à l'EPH d'Amizour, est mal doté en médicaments, ce qui ralentit son fonctionnement. L'annonce de l'implantation d'un nouveau CHU à Béjaïa avait suscité beaucoup d'espoirs, mais le retard pris dans le lancement effectif des travaux de réalisation a nettement refroidit cet enthousiasme collectif. Le projet étant toujours à l'étude, l'entame de l'aménagement, initialement prévue pour 2012/2013, a été décalée encore une fois, au grand dam des populations. En somme, le secteur public de la santé à Béjaïa est toujours en crise.