La mort de Yasser Arafat, grand symbole de la longue lutte palestinienne, continue de susciter des soupçons et provoquer la controverse. Un documentaire diffusé par la chaîne qatarie, Al Jazeera, vient ajouter des éléments de réponse dans cette affaire où se mêlent complots et jeux de services secrets. Les dirigeants palestiniens attendent le soutien de la Ligue arabe pour demander une enquête internationale sur cette mort, après de nouvelles découvertes. Un élément nouveau qui redonne crédit à la thèse d'un empoisonnement. L'Institute for radiation physics de Lausanne, en Suisse, en analysant des échantillons biologiques prélevés sur les effets personnels d'Arafat (ses vêtements, sa brosse à dents et même son emblématique keffieh), remis à sa veuve par l'hôpital militaire français de Percy, où le dirigeant palestinien mourut le 11 novembre 2004, découvrit «une quantité anormale de polonium.» Le polonium est une substance radioactive hautement toxique, qui a servi, notamment, à l'empoisonnement, en 2000, à Londres, d'Alexandre Litvinenko. Les conditions de la mort de cet ex-espion russe, devenu opposant au président Vladimir Poutine, avaient, aussi, suscité la polémique. Le principal médecin de Yasser Arafat, le Dr Fayçal Hentati, s'est dit prêt à collaborer à une éventuelle enquête scientifique internationale pour déterminer la cause de la mort du leader palestinien. Le médecin qui refuse de commenter les révélations apportées par Al-Jazeera avait accompagné Yasser Arafat jusqu'à son dernier souffle. La mort de Yasser Arafat dans un hôpital français, de surcroît, militaire, ajoute à la confusion et alimente le doute. Un spécialiste des affaires arabes, cité par le journaliste Georges Malbrunot, estime que la France pourrait bien avoir des «informations» sur cette mystérieuse disparition, qui pourrait ressembler à «un empoisonnement du sang sur une longue durée». «Le dossier médical d'Arafat a été classé et il est quelque part en France mais personne ne parlera», précise-t-il. Des questions restent cependant en suspens. «Tous les prélèvements et toutes les analyses qui ont été effectués sur Arafat n'ont pas été diffusés». L'épouse du leader de la révolution palestinienne, Souha Arafat, est repartie de Percy avec certaines analyses médicales. Mais, apparemment, pas celles qui permettraient de confirmer si Arafat a été empoisonné par un poison de longue durée, instillé dans le sang. Une enquête entravée Autre fait troublant, la Tunisie, par la voix de son ministre des Affaires étrangères, Rafik Abdelsalem, a réclamé la constitution d'une commission d'enquête internationale sur cette disparition. Ce n'est pas par hasard qu'une telle demande soit venue du pays où l'OLP avait établi son QG, jusqu'à son installation dans les territoires palestiniens autonomes, en 1994. Selon des observateurs, la Tunisie de Ben Ali entretenait bien des relations troubles avec le Mossad, via des services occidentaux. Sinon, comment expliquer qu'un commando israélien ait pu assassiner, en 1988, avec une facilité déconcertante, le résistant Abou Djihad, proche collaborateur d'Arafat. La mort de Yasser Arafat présente autant d'anomalies. Il était tombé subitement malade et était décédé sans que ses médecins trouvassent une explication à sa maladie, entretenant les soupçons les plus divers. Et les soupçons ne sont pas uniquement dirigés vers la piste ennemie. Hassan Kharicha, vice-président du conseil législatif palestinien et membre de la commission d'enquête sur la mort du défunt président, ira jusqu'a révéler que «des dirigeants palestiniens de haut niveau sont impliqués dans l'assassinat d'Arafat et la transmission du polonium radioactif au siège de la Moukataâ, (Quartier général) à Ramallah», où il était cloîtré par les occupants israéliens, avec l'assentiment dissimulé des capitales occidentales. Pour lui, «des parties palestiniennes, arabes et internationales ont entravé l'action de toutes les commissions formées pour enquêter sur les causes de l'assassinat d'Arafat au cours de la période écoulée, afin qu'elles ne puissent pas remonter aux personnes qui l'ont perpétré». «Ces parties ont empêché le médecin d'Arafat de comparaître devant les commissions d'enquête ainsi que les équipes médicales, égyptienne et tunisienne, de faire leurs dépositions auprès des mêmes commissions. Tout cela avait pour but de protéger des personnes très proches du défunt leader et impliquées dans son meurtre.» La mort de Arafat continuera probablement à provoquer la polémique alors que le peuple palestinien poursuit la lutte pour son existence. Israël et les Etats-Unis n'hésitaient pas à le qualifier d'«obstacle à la paix» parce que Yasser Arafat refusait tout simplement d'abdiquer. Yasser Arafat pourrait avoir été assassiné pour une simple raison : il avait refusé de brader les droits de son peuple pour une contrepartie inique : des bantoustans non viables. Pour lui, la ville d'Al Qods et le retour des réfugiés étaient des lignes rouges. Arafat avait refusé la compromission. Et choisi de mourir en martyr. M. B.