Photo : Riad Par Younès Djama C'est un Mohamed Yousfi plein d'amertume qui s'est présenté, hier, devant les journalistes pour faire un point de situation sur le secteur de la santé. Le président du Syndicat national des praticiens spécialistes de la santé (Snpssp) n'a pas été de main morte pour fustiger le ministre de la Santé et de la Réforme hospitalière, Djamel Ould Abbès, rendu responsable des maux qui rongent le secteur. Et les maux, la santé n'en manque pas. A commencer par la récurrente pénurie des médicaments. Le Dr Yousfi a tenu à démentir les déclarations du premier responsable du secteur de la santé en démontant ses assurances quant à une supposée disponibilité de médicaments.«Le secteur de la santé agonise ; la situation est telle que la déliquescence du secteur ne fait que s'aggraver. La pénurie des médicaments n'est qu'une partie qui émerge de l'iceberg», a-t-il déclaré lors d'une conférence de presse au siège du syndicat. «Rien ne va ! Nous sommes confrontés quotidiennement à des dysfonctionnements chroniques. Il y a aussi un problème de non-gestion. Paradoxalement, ce ne sont pas les ressources financières qui manquent».Le Dr Yousfi ne s'explique pas le silence des hautes autorités du pays, y compris le chef de l'Etat, face à cette situation de déliquescence. «L'absence de réaction du président de la République et du Premier ministre nous inquiète au plus haut point et suscite de nombreuses interrogations», dira-t-il.Tenant à «démonter» les assurances du ministre de la Santé assurant de la disponibilité des médicaments, le Dr Yousfi affirme qu'au-delà du constat fait par les professionnels sur le terrain, une enquête commandée par le ministre lui-même a conclu qu'au moins 89 produits sont en rupture de stock au niveau de la Pharmacie centrale des hôpitaux (PCH). «J'insiste sur le mot ‘‘au moins'', car la liste est plus longue lorsqu'on sait que la PCH alimente seulement les établissements hospitaliers publics. La même commission a également mis en avant le fait que des médicaments sortent de la PCH sans pour autant parvenir à destination, c'est-à-dire les hôpitaux», souligne encore le conférencier. Avant de lancer à l'adresse de la tutelle que les syndicats de la santé «ne se tairont pas devant cette pénurie. Pour nous, le médicament doit être disponible à longueur d'année», a-t-il affirmé. A titre d'exemple, explique le président du Snpssp, l'Algérie, passée leader en matière de lutte contre la tuberculose, en est arrivée à connaître une rupture de stock des antituberculeux.Sur un autre chapitre, le Dr Yousfi a interpellé la tutelle pour l'ouverture des portes du dialogue interrompues par le ministre sous prétexte que le Snpssp ne dispose plus de son mandat. «Le congrès du Snpssp s'est tenu il y a un mois (juin, Ndlr), et le ministère du Travail (dont M. Ould Abbès assure aujourd'hui l'intérim), a été mis au courant. Le syndicat a renouvelé ses instances et donc il n'y a plus de raison pour que le ministre de la Santé nous ferme la porte», a observé le président du syndicat. Le Dr Yousfi a en outre soulevé la question de l'amendement du statut des professionnels de la santé, s'interrogeant s'il existe un «deux poids deux mesures» entre le secteur de la Santé et celui de l'Education qui a vu son statut promulgué et publié dans le Journal officiel. «Qu'attend M. Ould Abbès pour promulguer le statut des 20 000 professionnels de la santé (praticiens et praticiens spécialistes) ?», demande le Dr Yousfi.Dénonçant l'exclusion des praticiens spécialistes des comités de santé installés par la tutelle, le conférencier s'inquiète que les ponctions sur salaires et les intimidations à l'encontre des délégués syndicaux se poursuivent encore malgré la fin de leur débrayage qui aura duré trois mois. A ce titre, le président du Snpssp a indiqué que le Bureau international du travail (BIT) a été l'objet de deux saisines, la première au nom du Snpssp et la seconde de l'Intersyndicale de la santé. Ayant accusé réception des deux correspondances, le BIT a saisi pour sa part le gouvernement algérien, et attend une réponse sur les atteintes au droit syndical dans le secteur de la santé.