Il l'a toujours souhaité, et il l'a fait. Abdelaziz Bouteflika a donc mis à exécution l'un des projets qui lui ont tenu tellement à cœur depuis son accession au pouvoir en 1999, à savoir la révision de la Constitution. Dans le texte que le chef de l'Etat a exposé, lundi dernier en Conseil des ministres, un article a focalisé toute l'attention des médias et de la classe politique : l'article 74 qui limite le nombre de mandats présidentiels. Sauf que le document de la présidence de la République apporte un autre changement, pour le moins important. Il s'agit des nouveaux rapports entre le Président et celui qui est maintenant appelé Premier ministre, en remplacement de la terminologie en usage dans le pays et dans les précédentes Constitutions, c'est-à-dire chef de gouvernement. En plus donc de la nouvelle dénomination, le président de la République suggère de doubler le Premier ministre d'un ou de plusieurs vice-premiers ministres –le nombre est apparemment laissé à l'appréciation du chef de l'Etat- pour l'assister dans sa mission. La fonction de ces nouveaux super ministres n'est pas, non plus, précisée, mais tout porte à croire que la configuration du gouvernement algérien prendra celle de la Russie où les assesseurs du Premier ministre s'occupent, souvent, de dossiers bien précis. Sauf que la grande nouveauté de ce chapitre est sans contexte le nouveau rôle que devra, désormais, occuper le premier des ministres. Alors que la Constitution de 1996 stipule que «le chef du gouvernement présente les membres du gouvernement qu'il choisit au président de la République qui les nomme», (article 79), la nouvelle proposition porte sur la nomination du Premier ministre par le président de la République, ce qui n'est pas explicite dans l'actuelle loi fondamentale. Plus que cela, alors que le chef de gouvernement qui, dans l'actuel texte, «présente son programme», le Premier ministre, lui, devra désormais mettre «en œuvre le programme du président de la République». Si le reste du texte n'est pas chamboulé, notamment dans les articles relatifs au vote de défiance ou au possible rejet du programme par les députés, les rapports entre le chef de l'Etat et le Premier ministre vont désormais changer. En effet, le président de la République est désormais le seul chef de l'Exécutif, une tâche qu'il partage, jusque-là, avec le chef du gouvernement. Et pour lever tout amalgame –ou ce qui est perçu en tant que tel- le projet de révision fait référence à l'application du «programme du président de la République», chose qui dépouille le Premier ministre, dont l'origine partisane importe peu apparemment, de beaucoup de ses prérogatives. Pour mieux justifier cet état de fait, les nouvelles propositions font référence à une cohérence à retrouver. Or, à la lumière du nouveau projet d'amendement, le président de la République cherche visiblement, à travers la nomination d'un Premier ministre qui «met en œuvre» son programme, à se doter d'un fusible qui lui évitera des jugements négatifs sur son action. Parce que, si le Premier ministre n'exécute pas son propre programme, il sera alors le bouc émissaire à sacrifier au cas où il y aurait échec d'une politique menée, mais dictée par le chef de l'Etat. La situation n'est cependant pas nouvelle. Puisque même dans les précédents gouvernements, les chefs de l'Exécutif ne concrétisent en réalité que les feuilles de route qu'ils ont reçues au préalable de la présidence de la République, avant d'être remerciés –en des termes souvent sibyllins- pour «absence de résultats». Mais là, les choses sont peut-être dites avec beaucoup plus de clarté et le Président pourra désormais s'appuyer sur un article de la Constitution pour mettre fin aux fonctions du Premier ministre qu'il a «nommé». A. B.