Pour le quatrième jour de la compétition officielle de la 7e édition du Festival national du théâtre professionnel (Fntp) qu'abrite le Théâtre national d'Alger, c'est le Théâtre régional d'Annaba (TRA) qui est entré en lice, lundi dernier, avec la pièce Imraa min waraq (Une femme en papier). Mise en scène par Sonia, qui est aussi directrice du TRA, la pièce est une adaptation du roman Ountha el sarrab de Waciny Lâaredj, signée par Mourad Senoussi.Le rideau se lève. La scène est voilée d'un léger tissu blanc suivi d'un épais voile blanc, rien à dire la scénographie est superbe, elle est l'œuvre de Yahia Benamar, un artiste qui a su donné une dimension féerique et romantique à cette pièce. Les deux rideaux blancs sont levés à leur tour, laissant découvrir une jeune femme au milieu de la scène. Yamina est une épouse modèle, cultivée, attentionnée et très patiente envers son mari, un auteur très connu, qui multiplie les déplacements pour donner des conférences et promouvoir ses écrits. Ce dernier, victime d'un malaise cardiaque, sombre dans le coma. A son réveil, il ne prononça qu'un seul mot : «Meriem.» Mais qui est donc cette mystérieuse femme ? Meriem n'est autre que l'héroïne principale de tous les romans de l'auteur, un personnage fictif qu'il a inventé pour en faire son héroïne et sa muse qui lui apportera le succès. Surprise que son mari prononce le nom de son héroïne à son réveil du coma, Yamina commence à croire à l'existence de Meriem, qu'il s'agit bel et bien d'une femme réelle. Ses doutes seront vite confirmés lorsque, tard dans la nuit, Yamina reçoit la visite d'une mystérieuse femme qui lui annonce qu'elle est Meriem. Abasourdie par la nouvelle, Yamina la chasse. Mais de révélation en révélation, elle découvre le secret de son mari, un homme qui a entretenu une relation intense durant des années avec cette Meriem à son insu.Avec Lydia Laarini dans le rôle de Yamina et Raja Houari dans le rôle de Meriem, on découvre un face-à-face intense, d'un côté une épouse blessée dans son orgueil et, de l'autre, une maîtresse qui réclame justice et demande d'être reconnue. Avec une telle amorce, la pièce aurait pu évoluer aussi bien vers une intrigue fort intéressante et porteuse d'enseignements que vers une franche partie de rigolade. Mais l'auteur a pris une autre voie. En effet, en dévoilant son histoire avec l'auteur, Meriem a fait plusieurs arrêts dans le temps, en transposant chacune de ses rencontres avec l'auteur avec un événement tel que la générale de la pièce El Adjouad d'Alloula en 1985 à Oran, la mort d'Issiakhem, le décès de Kateb Yacine et la décennie noire. Le metteur en scène n'a évidemment pas manqué de rendre hommage à toutes ces personnalités et quelques événements en introduisant une projection d'images dans la pièce.Forçant un peu sur les sentiments du public, cette pièce dont le texte dénonce la condition des artistes, est presque un récapitulatif des moments forts de l'histoire de l'art en Algérie, le tout relevé par une forte dose de morale. On notera aussi que Sonia a plutôt opté pour la narration en demandant à ses comédiennes de s'adresser directement au public (le théâtre de Brecht), les dialogues entre les deux protagonistes étaient rares. Avec une belle scénographie, Femme en papier est une réussite sur le plan de la forme, mais pas du fond. Car il était facile de contenter le public en lui offrant ce qu'il aime voir, sachant que ce public est à 90% composé d'artistes et festivaliers, qui ont donc une relation directe avec le monde de l'art, voire un rapport personnalisé avec les personnages cités. Pour la soirée, le théâtre régional de Saïda a présenté sa dernière production, Jeu d'échecs, également inscrite en compétition officielle. Mise en scène et écrite par Mohamed Bekhti, qui fait son come-back, la pièce, qui est un remake de Tartuffe, relate l'histoire d'un riche homme vieillissant dont l'épouse et le beau-frère veulent se débarrasser et complotent pour l'éliminer. Adepte des genres théâtraux classiques, Mohamed Bekhti a offert au public un théâtre basique, plat, à la limite de l'ennuyeux. W. S.